HOMEOPATHIE ET PLACEBO PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Philippe Marchat   
Jeudi, 08 Mars 2012 14:36

HOMEOPATHIE ET PLACEBO

 

Pour commencer, rendons à César ce qui appartient à César… je veux dire à Geneviève Ziegel, ma chère consœur et amie, ce que cet article lui doit. C’est, en effet, la lecture d’un de ses livres[1] qui m’a fait prendre conscience de l’importance de la question du placebo et qui m’a permis de conceptualiser ce qu’il m’arrivait, comme par boutade, de dire aux détracteurs de l’homéopathie : « mais si c’est si facile d’améliorer les gens avec rien, que ne le fait on davantage ».

1°) Que cache l’effet placebo ?

La première chose à faire concernant l’effet placebo est de le prendre au sérieux. De comprendre qu’il y va d’un phénomène biologique important et essentiel.

Bien sur, l’idée même de placebo véhicule le plus souvent, l’idée d’accusation de prestidigitation, de leurre, d’illusion, de tromperie, voire de « manipulation ». La tentation est alors grande, par exemple pour l’homéopathie, de s’en défendre, de protester que « non, ce n’est pas qu’un placebo, cela marche vraiment ».

Mais on passe, là, à côté de l’essentiel, à savoir que « rien » (entendons, en l’absence de substrat moléculaire) peut avoir de l’effet et qu’une action biologique constatable et mesurable (puisque l’effet placebo se mesure) est possible du seul fait que le patient pense absorber une substance active.

Derrière l’effet placebo se trouve, en fait, et on ne le réalise pas suffisamment, un mystérieux pouvoir d’auto-guérison du vivant. Cela, on le néglige le plus souvent et on se laisse généralement entrainer dans des débats, sortes de dialogues de sourds, sans grand intérêt.

 

2°) Il y a un potentiel biologique de « guérison » derrière l’effet placebo

Qu’il y ait effet placebo ne signifie donc pas qu’il ne se passe rien, que le patient s’imagine seulement aller mieux, qu’il se trompe sur lui même mais qu’une réaction biologique est mise en mouvement par autre chose qu’une substance pharmacologique.

Parler d’effet placebo et en faire une fin de non recevoir, d’infamie, de « sans valeur », relève, ainsi et pour de bon, de la manipulation. Car le côté péjoratif de l’expression a fini par « négativer », nier, néantiser le fait biologique majeur de la reconnaissance implicite  d’une capacité d’auto-guérison, d’auto-rééquilibration (même partielle, même temporaire) du simple fait de croire que l’on prend une substance active.

La science « positiviste, » le scientisme médical ne veulent pas entendre parler de ce type de pouvoir de l’organisme. Ils préfèrent le nier et le refouler du côté des mirages et de la niaiserie crédule. Pourtant, parler d’effet placebo c’est reconnaitre, implicitement, l’existence tangible et certaine d’un pouvoir d’auto-guérison indépendant de toute action moléculaire.

 

3) L’effet placebo montre, que, sans vecteur matériel, sans objet, une mise en mouvement biologique est possible

Une mise en mouvement biologique est donc possible du seul fait de se croire secouru, aidé, mis sur la bonne voie. Car c’est bien de cela qu’il s’agit avec l’effet placebo : croire que l’on absorbe une substance qui va nous aider à guérir. On pourrait dire que l’effet placebo c’’est, en quelque sorte, « aide toi puisque l’on a commencé à t’aider ».

On a souvent  tendance à y voir l’effet d’une action purement psycho-somatique. Comme le patient se croit secouru, son psychisme va avoir une action bénéfique sur son organisme. Mais il s’agit, en fait, d’une action authentiquement biologique, globale, psychique et physique. Se croire aidé, croire, surtout, qu’une guérison est possible, le croire à nouveau, met en jeu des mécanismes biologiques d’auto-guérison. Ces mécanismes sont tout à fait réels, toujours disponibles. Ils ne sont pas de l’ordre de la tromperie ou du leurre. Un patient qui s’améliore par effet placebo est quelqu’un dont l’organisme, parce qu’il se met (ou se re-met) à croire qu’une guérison est possible, re-mobilise ses capacités (qui restaient latentes, « en veille » pourrait-on dire) d’auto-guérison.

La question qui se pose est donc : pourquoi certaines thérapeutiques n’agiraient-elles pas par une voie très proche de l’effet placebo sans se réduire à lui ? C'est à dire pourquoi n’y aurait-il pas des thérapeutiques susceptibles de mobiliser, plus efficacement et plus durablement que le simple effet placebo, les capacités d’auto-guérison du vivant ?

Cet effet thérapeutique ne doit pas être conçu comme seulement relationnel, comme le fait de redonner espoir, avec action à point de départ « psy ». Il relève de l’importance de la « carte » de l’informationnel pour l’organisme[2]. Une thérapeutique comme l'homéopathie se démarquerait, ainsi de l’effet placebo, au sens où son action n’y serait nullement réductible bien qu’empruntant une voie analogue de mobilisation des capacités d’auto-guérison du vivant. Voyons, en prenant deux image, comment envisager la différence entre l’effet placebo et l’effet proprement informationnel.

L’effet placebo serait, en quelque sorte, l’équivalent de l’effet d’encouragements vifs et appuyés donnés à un sujet en difficulté : un peu comme le regain d’espoir, de force, le sursaut, l’élan que nous pouvons retrouver lorsque nous n’y croyons plus, lorsque nous sommes épuisé, prêts à rendre les armes,  si un autre, bienveillant et en qui nous avons confiance, vient nous dire, « vas-y, tiens bon, tu peux y arriver, tu en es capable ». Alors, oui, on repart d’un meilleur pied, on  se re-mobilise. Généralement, cependant, le sursaut a tendance à s’amenuiser et à s’épuiser au fil du temps.

L’effet thérapeutique informationnel ne serait pas, pour le même cas de figure, seulement un encouragement au sursaut. Ceci le médicament homéopathique le suscite comme le médicament allopathique, ni plus, ni moins. Ce serait, surtout, la communication précise et fidèle (par la prescription du médicament correspondant à l’état actuel du patient) de la situation actuelle dans lequel le patient est empêtrée, de l’état de déséquilibre dans lequel son organisme se trouve, prise de connaissance permettant lui permettant, sachant enfin où il en est et sur quelles difficultés il bute, de mettre en œuvre les moyens (dont il disposait mais sans savoir qu’il devait les utiliser) de sa guérison.

 

4°) Effet thérapeutique et signification vitale

Ce n’est donc pas d’illusion qu’il s’agit, ni de manipulation, encore moins de tricherie ou de tromperie. Il y va, simplement, de la capacité de rendre à un organisme débordé (et un organisme, c’est des tissus, des cellules, des organes, une psyché, tout cela solidaires et intégré) les moyens de se ressaisir. En lui redonnant, certes, espoir et courage (effet placebo) mais en lui donnant, aussi et surtout, une information précise sur son déséquilibre actuel (effet thérapeutique informationnel), ce qui est le point de départ indispensable pour sortir des difficultés.

Les deux se distinguent donc par leur signification vitale différente. « Tu peux y arriver » d’un côté, « voila où tu en es » de l’autre.

Dans l’effet placebo, quelqu’un vient à mon secours qui, par une médiation quelconque, va faire quelque chose pour moi. Une mise en mouvement biologique « suit » ce « message » signifiant qu’un mieux être est possible, qu’une issue va, peut être, s’ouvrir mais c’est l’autre qui en est, en quelque sorte, le garant. L’organisme est relancé, il mobilise un  « surplus d’énergie » mais il n’est pas ré-orienté, pas informé d’où il en est.  Il est encouragé à y croire mais ne sait pas plus qu’avant que faire, par où aller, que surmonter. D’où, sans doute, l’effet souvent seulement transitoire du  placebo puisque le sursaut d’énergie n’est pas mobilisé dans la « bonne direction ».

Dans l’effet thérapeutique informationnel, et l'effet thérapeutique homéopathique relève sans doute de ce registre, le « vecteur médicamenteux » est porteur d’une information mobilisatrice et orientée. Non pas, cette fois, sur la forme d’un seul encouragement, d’un regain d’énergie, d’une simple ressaisie, mais au sens de la communication à l’organisme de la nature et de la configuration du déséquilibre dans lequel il se trouve embourbé.

Le médicament homéopathique, choisi en raison de sa similitude pathogénétique avec l’état actuel du patient, communiquerait, ainsi, à l’organisme défaillant (et incapable de se ré-équilibrer spontanément) des informations sur la nature et la « configuration globale » de son déséquilibre, ce qui semble être une clé puissante lui permettant d’entamer sa rééquilibration. Avoir plus d’énergie pour se défendre, c’est bien mais savoir à quoi l’employer et comment l’orienter est sans doute bien mieux encore.

 

5°) Conclusion

A côté des actions que telle molécule peut avoir sur telle fonction du corps, tel organe, tel mécanisme biologique, la notion d’effet placebo cherche à cacher et discréditer un autre registre d’action biologique : l’action informationnelle. Non moléculaire mais bien réelle.

Il n’y a donc pas, d’un côté, la pure action chimique et de l’autre l’imaginaire et le symbolique. D’un côté, l’action réelle, l’effet moléculaire et, de l’autre, l’illusion, la tromperie. Il y a, aussi, l’information à signification vitale.

Loin de disqualifier l'homéopathie, la notion d’effet placebo prouve que des voies d’auto-guérison, biologiques et réelles, sont disponibles et mobilisables pour tout organisme. Une voie « médicamenteuse » comme l'homéopathie peut s’inscrire dans un tel registre de mobilisation des capacités d’auto-guérison du vivant. Elle se distingue du seul effet placebo en ceci qu’elle permet à l’organisme, non seulement de croire qu’une issue est possible, mais en lui montrant la voie à suivre.

N’ayons donc pas peur de nous voir accusés de recourir à l’effet placebo. Demandons plutôt à ceux qui portent de telles accusations ce qu’ils veulent dire en parlant d’effet placebo et amenons-les à reconnaitre ce qu’ils sous entendent, implicitement, dans cette formulation. Nous nous emploierons, alors, à mettre au jour l’implicite de leur pensée et soulignerons que l’organisme possède, effectivement, et comme ils le sous-entendent, des capacités d’auto-guérison. Restera à dire que l'homéopathie utilise vraisemblablement de telles capacités d’auto-guérison. On précisera, alors, opportunément qu’elle ne fait pas que mobiliser aveuglément ces capacités d’auto-guérison mais, qu’avant tout, et c’est sa spécificité, elle les oriente efficacement.

 

Mise en ligne mars 2012

 


[1] G. Ziegel, « L'homéopathie face au placebo », Ed. Entretiens internationaux de Monaco.

[2] Je préfère le terme d’organisme à celui de corps, trop matériel, trop physique, trop structurel. Le corps, on le voit, on peut le toucher, il a une apparence fixe, «pour ne pas dire « figée », l’organisme a une dimension plus fonctionnelle, plus dynamique.