HOMEOPATHIE & MODELE BIOPSYCHOSOCIAL PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Philippe Colin   
Dimanche, 06 Janvier 2013 17:52

L’être humain est complexe et ses dimensions sont multiples. L’aspect somatique, les différents organes sont tous d’une architecture et d’un fonctionnement qui est aux antipodes de la simplicité. Son psychisme, avec ses versants conscients et inconscients, est lui aussi très loin d’être simple. La dimension sociale de l’être humain, que ce soit dans ses relations interpersonnelles ou dans ses relations professionnelles et sociales, est elle aussi d’une complexité à la fois très grande et très importante. C’est le modèle biopsychosocial que Georges Engel et Thure von Uexküll ont développé dans le courant du 20ème siècle, et que Josef M. Schmidt a repris récemment, rejoignant des travaux présentés sur le site homeophilo, tels que l’étude anthropologique de l’homéopathie, la santé dans la cité, et pluralité et complexité.

Nous allons voir d’abord en détail ce que nous dit Josef Schmidt dans son article avant de commenter et de compléter ce qu’il dit.

I – L’article de Josef Schmidt

L’article de Josef M Schmidt, paru récemment dans la revue Homeopathy (numéro d’avril 2012, pages 121 à 128), expose le modèle biopsychosocial et ce qu’il peut apporter à l’homéopathie. Il insiste sur l’importance de la recherche théorique en médecine (et donc en homéopathie). Une nouvelle théorie doit couvrir une variété plus importante de dimensions qu’une théorie plus ancienne, permettant aux modélisations plus anciennes de rester valide dans leur domaine d’activité : par exemple, la théorie d’Einstein qui est un progrès par rapport à la physique de Newton, laisse à celle-ci son utilité dans les domaines qui lui sont propres.

La médecine conventionnelle applique la même méthode réductionnelle que les physiciens ou les chimistes : rechercher des lois naturelles exprimées en termes de causalité, de mécanisme, d’économie et d’efficacité. Les scientistes de cette forme de médecine explorent les maladies, les effets des médicaments, les corrélations entre les différentes parties du corps, comme s’ils étaient des objets ou des entités, existant indépendamment d’un contexte particulier. Tout doit pouvoir être exploré et expliqué en termes de cellules, de gènes, de molécules. Si cette forme de médecine a enregistré des succès indéniables dans certaines maladies, elle est absolument dénuée d’intérêt dans de nombreuses maladies chroniques mais aussi aigues, virales en particulier. Elle s’appuie sur un ensemble de concepts et de lois méthodologiques, et plutôt que d’envisager un domaine d’action avec ses limites, elle essaie de tout expliquer par des moyens utilisant le réductionnisme ou les généralisations. L’histoire de la science, la philosophie vise par contre à ouvrir de nouveaux espaces pour rendre possible l’apparition de phénomènes qui dans d’autres circonstances resteraient invisibles, inenvisageables. Les scientifiques, par exemple, étudient la mémoire du corps et de l’esprit en termes physiques ou biochimiques, sans envisager la place de la subjectivité de l’être humain. Celui-ci est considéré comme une machine ayant un mécanisme compliqué, la santé étant son fonctionnement régulier et efficace, la maladie étant l’échec de ce fonctionnement. Le médicament ne peut avoir qu’un effet sur le corps, entraîner des réactions biochimiques, des suppressions physiques, ou des remplacements prothétiques. Le but étant de supprimer, dans les études, tout facteur subjectif pouvant interférer dans les résultats.

Il est évident que dans ces conditions, la médecine homéopathique, qui s’attache fondamentalement à la subjectivité du patient, ne peut pas remplir les critères des technologies biomédicales de la médecine scientiste, de l’ « evidence-based medecine ». Une approche naïve pourrit faire croire aux personnes peu informées que l’homéopathie ne peut pas être scientifique. En réalité, pour Josef Schmidt, cela ne montre que l’incompatibilité entre des méthodes conventionnelles scientifiques et la méthodologie qui sous-tend la médecine homéopathique. Ceci peut également être interprété comme un échec du paradigme biomédical conventionnel plutôt que comme une réfutation de la méthode de traitement homéopathique. Le challenge, pour l’homéopathie, est donc de trouver sa propre théorie scientifique plutôt que de vouloir se conformer aux standards de la médecine conventionnelle. De plus, le challenge, pour la médecine en général, serait de développer une théorie de la médecine qui soit assez vaste pour englober les différentes pratiques médicales, conventionnelles ou non conventionnelles comme l’homéopathie, l’acupuncture, la médecine ayurvédique par exemple. Toute théorie qui ne prend pas en compte tous les phénomènes du vivant, en particulier la subjectivité et la communication interpersonnelle, est destinée à rester en dehors des réalités de la vie.

Thure von Uexküll (1908-2004) a été un des fondateurs de la médecine psychosomatique en Allemagne. Il a développé une à partir des années 1950 un modèle psychosocial de l’être humain. Son idée de base est de surmonter le réductionnisme et le matérialisme de la méthode scientifique moderne et de comprendre l’être humain comme une unité possédant différents niveaux d’existence. Pour lui, il existe non seulement des niveaux végétatifs, animaux et psychiques, mais aussi une unité entre l’organisme et son environnement, entre le sujet et l’objet. En particulier, l’homme est considéré comme une personne répondant à des signes et non comme un être vivant réagissant à des causes. La force de ce modèle réside dans le fait de surmonter les séparations théoriques et institutionnelles des problèmes physiques, psychologiques et sociaux d’un patient. Peu importe le niveau d’existence considéré, qu’il soit au niveau du fonctionnement cellulaire, au niveau des fonctions d‘organe, des relations psychiques ou sociales. Le modèle sémiotique d’attachement, de transformation, de développement reconstruit continuellement les signes perçus et l’environnement du sujet, et par ailleurs se prouve applicable dans tous les cas. Comme chaque cellule, chaque organe, organisme a son propre environnement, son propre ordre d’importance, son propre code pour détecter et développer les symptômes signifiants, les interactions entre les différents systèmes ou les différentes couches doivent être interprétées comme des processus de traduction (d’un système de code à un autre), plutôt que comme des effets mécaniques et des phénomènes causaux. La relation de cause à effet ne peut pas permettre, en effet, d’expliquer complètement les dimensions psychologiques et sociologiques des problèmes affectant l’être humain.

Bien avant que les constructivistes modernes et les neurosciences commencent à affirmer que ce que nous dénommons réalité est en fait une image, une idée, ou une illusion plutôt qu’un monde objectif invariable, qui serait exactement le même pour tout le monde, Jacob von Uexküll (le père de Thure von Uexküll) en vint aux mêmes conclusions au moyen de de ses expérimentations sur les oursins et sur d’autres animaux. Le point difficile à comprendre ici est que personne ne peut connaître vraiment quelque chose comme une réalité objective. Au contraire, chacun vit dans son propre environnement qui est le résultat d’un processus constant de construction, dépendant de son état intérieur prédominant à l’instant T. Selon ses besoins, l’unité de base vivante perçoit des signes de son environnement auxquels elle attache une signification particulière, et elle réagit de telle façon que cela modifie ces signes, si bien que leur signification change, et par conséquent, l’environnement de cette unité de base change également. Les interactions entre les êtres vivants et leur environnement reposent par conséquent sur le concept de subjectivité, et non sur la relation de cause à effet.

La force du modèle psycho-social de l’être humain réside dans la capacité de surmonter les séparations institutionnelles des problèmes physiologiques, psychologiques et sociaux des patients. Peu importe le niveau considéré, qu’il soit cellulaire, organique, psychique ou social, le modèle sera valable dans tous les cas. A chaque niveau existe un environnement qui lui est propre et un code particulier pour détecter et traiter les signes significatifs. Les interactions entre les différents niveaux et les différents systèmes doivent être interprétés comme des processus de traduction (d’un système de codes à un autre), plutôt que comme des relations de cause à effet qui n’ont de toute façon aucun pouvoir explicatif dans les domaines psychologiques et sociaux. Les conséquences de ce modèle est la reconstruction permanente de notre environnement que chaque individu vit dans sa propre individualité. La construction d’une réalité commune est possible (par exemple entre le patient et son médecin) mais nécessite un supplément de communication et des traductions entre les individus et entre leurs environnements subjectifs. Pour rendre les choses encore plus compliquées, chaque sujet et chaque environnement a sa propre histoire, commençant dès la naissance (et même bien avant si l’on prend en compte l’histoire héréditaire de chacun).

Uexküll utilise le mot allemand « Stimmung » (traduit par humeur dans les dictionnaires) pour décrire la disposition d’esprit dans lequel se trouve la personne humaine dès ( et peut-être même avant) sa naissance, qui sera le précurseur de toute unité de communication, qu’elle soit au niveau organique, psychologique ou sociale, à partir de fonctionnements d’ordre végétatif, animal ou plus spécifiquement humain.

Dans une deuxième partie, Josef Schmidt essaie d’appliquer ce modèle à la médecine homéopathique.

Il commence par expliquer comment Hahnemann (1755-1843) avait essayé d’expliquer sa thérapeutique : il vivait à une époque de transition pour la médecine, qui est passée de l’ère de la saignée et de traitements toxiques à une médecine basée sur les acquisitions de la connaissance de la physiopathologie des maladies. C’est la raison pour laquelle certaines conceptions hahnemanniennes semblent aujourd’hui dépassées, d’autres progressistes, d’autres révolutionnaires ou éternelles.

Pour lui, il manque à l’homéopathie une théorie consistante et convaincante, définitive. En raison du manque de connaissance des racines théoriques de leur discipline, les homéopathes capitulent facilement devant les critiques et essaient de se plier aux exigences de ce qu’ils pensent être les normes scientifiques actuelles. Ils ne savent pas, en particulier, penser en dehors du raisonnement causal. Le modèle biopsychosocial permet de traduire la plupart de termes homéopathiques qui peuvent sembler désuets, dépassés, et constituer un problème de communication entre médecine homéopathique et médecine conventionnelle, produisant des malentendus et des contresens.

Josef Schmidt propose de remplacer ainsi certains mots par d’autres, comme par exemple vitalité qui serait mieux compris en utilisant les termes subjectivité et/ou intentionnalité. Les cycles fonctionnels décrits par le modèle biopsychosocial permettent par ailleurs de comprendre pourquoi l’être humain peut réagir à certains remèdes à une période de sa vie et à d’autres à une période ultérieure. Ce même modèle permet également d’envisager l’action d’un remède sur tous les plans d’existence d’une façon simultanée. Le fait que l’information apportée au patient soit matérielle ou non n’a plus d’importance, rendant hors sujet la controverse au sujet des hautes dilutions. Ce n’est plus le remède qui entraîne la guérison, mais l’individu qui a le potentiel de réagir à certaines perceptions et significations du remède (ou plutôt de l’intrication médecin-patient-remède, note de l’auteur). La terminologie utilisée par les médecins homéopathes est très trompeuse, reposant trop souvent sur des conceptions matérialistes physico-chimiques (dilutions, agents pathogènes, influences morbides), ou sur des conceptions floues (presque spirituel, dynamique). Josef Schmidt parle alors d’approche phénoménologique, sans malheureusement développer sa pensée.

Hahnemann parlait d’organe psychique pour tenter d’expliquer l’action dynamique du remède à la fois sur un plan psychique et somatique. Pour la médecine conventionnelle, ce mélange de notions et de niveaux peut sembler nuisible. Par contre dans le modèle biopsychosocial, le principe de base est justement de comprendre que la dynamique du sujet est la même dans toutes les dimensions et à tous niveaux. Contrairement à la médecine conventionnelle qui a pour mission traditionnelle d’établir des règles générales imposées à tous dans tous les cas, Hahnemann avait déjà pris en compte l’irréductible individualité de l’identité du patient, faisant de lui un pionnier du modèle biopsychosocial. Il était conscient que chaque sujet possédait un noyau et une régulation qui lui était propre et dont il fallait tenir compte.

Josef Schmidt conclue en insistant sur le fait que pour lui l’homéopathie manque actuellement de bases théoriques consistantes et que le modèle biopsychosocial constitue un système conceptuel adapté à une nouvelle théorie de l’homéopathie. Comme l’histoire de la médecine nous le montre, la consistance théorique, la plausibilité et la persuasion sont les bases d’une reconnaissance institutionnelle, sociale et politique.

2 – Le modèle biopsychosocial

Contrairement à ce que dit Josef Schmidt dans son article, il semble bien que la paternité de ce concept ne doit pas être attribuée au seul Thure von Uexküll, mais plutôt ou surtout à Georges Engel. Celui-ci a fait paraître dans Science (1977 Apr 8 ; 196 (4286) : 129-36) un article intitulé « The need for a new medical model : a challenge for biomedicine ». Il y critique le modèle biomédical dominant et propose le modèle biopsychosocial comme cadre d’étude pour la médecine, avec la prise en compte, on seulement de l’aspect biologique, mais aussi des dimensions psychologiques, comportementales et sociales de la maladie. Thure von Uexküll est connu davantage pour ses travaux sur la médecine psychosomatique, et a pour sa part développé la notion de cycle fonctionnel (1957, 1982, 1986), et de cercle situationnel (1997). Il faut également mentionner les travaux de Piaget (1975) sur l’assimilation, qui parle de construction de structure en absorbant des éléments matériels, sociaux, culturels et spirituels.

Le modèle biomédical et le scientisme dans la médecine ont été très longuement critiqués dans de nombreux articles sur notre site homéophilo.fr, aussi nous n’y reviendrons pas. Notons simplement que toutes nos critiques se retrouvent exprimées par les concepteurs de ce modèle, en particulier au sujet de la séparation non justifiée entre le somatique et le psychique, au sujet de l’influence de celui qui observe sur celui qui est observé, et en général du réductionnisme qui opère le plus souvent en médecine conventionnelle.

Le modèle biopsychosocial se propose pour sa part de tenir compte de tous les facteurs pouvant intervenir dans la santé de l’être humain, qu’ils soient biologiques (infection virale ou bactérienne, allergies, produits toxiques par exemple), psychologiques (anxiété, chocs moraux, problèmes existentiels familiaux, relation patient-thérapeute), ou sociaux (relations dans le travail, problème du chômage par exemple). Ce modèle souligne avec force l’importance de la communication entre le patient et le soignant, pour faciliter l’expression de ce que ressent le patient à tous les niveaux.

Ce modèle repose sur une conception systémique de l’être humain, pour laquelle celui-ci ne peut pas être séparé artificiellement de son environnement. On parle de biosémiotique, qui vise à décrire le vivant en termes de communication, et dépasse la relation de cause à effet pour rentrer dans le domaine de l’analogie et de la signification du langage (F.S. Rotschild 1962, Annals of New York Academy of Sciences 96 : 774-784 : « Laws of symbolic mediation in the dynamics of self and personality ». C’est là que l’on retrouve les noms de Jakob von Uexküll (1864-1944), de Hans Driech (1867-1941), Richard Woltereck (1877-1944) et Adolf Meyer-Abich (1893-1971) dont les recherches en biologie étaient très proches de cette approche sémiotique. Rappelons ici que la sémiotique est l’étude des processus de signification, c’est-à-dire la production, la codification et la communication des signes.

Rothschild avait formulé trois lois pour décrire ses conceptions :

1 – Le processus de la vie transforme l’objet en sujet pourvu d’intentionnalité et constituant une unité cohérente.

2 – Une polarisation interne est nécessaire pour permettre à la subjectivité des organismes de communiquer avec le monde extérieur et simultanément de réaliser son propre self. Les manifestations de cette polarisation interne comprennent la différentiation des systèmes moteurs en sensitifs dans le comportement, la disposition bisexuelle des organismes, l’asymétrie entre la droite et la gauche, la différentiation entre les systèmes sympathiques et parasympathiques, et la disposition du système nerveux central en centres homo et hétéro latéraux.

3 – Comme chaque nouveau système de communication interne émerge dans l’évolution, il transcende les significations du système précédant, et requiert pour son actualisation un nouveau mode d’intentionnalité, dans lequel domine la subjectivité. Sans cette dominance, un nouveau système ne peut pas développer ses fonctions, car des systèmes archaîques plus anciens pourraient continuer à fonctionner.

Le modèle biopsychosocial s’appuie par conséquent en premier lieu sur une conception systémique qui implique que dans le domaine du vivant rien ne peut exister à l’état d’isolé : alors que, en biomédecine, les données sociales et (souvent) psychologiques du patient restent en dehors de la conception de la maladie et encore plus des ressources thérapeutiques, le modèle biopsychosocial postule qu’il est important de considérer les facteurs psychologiques et sociaux avec autant de rigueur et avec le même esprit critique que les facteurs somatiques : « le médecin identifie et évalue le potentiel stabilisant ou déstabilisant des évènements et relations appartenant à l’environnement social du patient » et « qu’il ne néglige pas la manière dont les effets déstabilisants que la maladie des patients exercent sur leurs proches peuvent exercer sur ce même patient une influence en retour encore plus déstabilisante » (Engel, 1980).

Le modèle biopsychosocial comporte également pour Engel une approche phénoménologique : pour lui, la maladie se définit comme « le processus spécifique par lequel le sujet subit un atteinte au départ de son propre corps », la maladie ne devenant une donnée phénoménologique qu’à partir du moment où le niveau « personne » est impliqué : le sujet fait l’expérience d’un malaise, d’une détresse, ou exprime des symptômes indiquant l’apparition d’une maladie. Celle-ci n’est jamais un phénomène purement somatique, elle modifie la vision, la relation que la personne possède à son propre corps, et à partir de là, toute pathologie atteindra les rapports de la personne avec le monde qui l’entoure : la maladie est un phénomène qui intéresse un corps vivant social. La caractéristique de la maladie est par conséquent « un point d’intersection douloureux entre facteurs biologiques, psychologiques et sociaux, croisement entre nature et culture, où la manifestation biologique, en s’inscrivant dans un corps vécu, et donc sujet d’histoire, devient elle-même historicisée et historicisable » (Onnis, 1989).

La maladie, dans la mesure où elle modifie plus ou moins profondément la représentation du corps vécu, ne peut manquer d’agir sur la vie relationnelle du patient, que ce soit dans sa famille ou dans sa profession, son environnement. Sa rencontre avec le système de soins, pas toujours respectueux de la personne humaine, entraînera également des modifications plus ou moins importantes sur le vécu et l’évolution de la pathologie. Les répercussions de la précarité et du chômage sur la santé sont bien connues. Des études sur l’infarctus du myocarde et la lombalgie montrent l’importance des facteurs sociaux dans l’apparition et le pronostic de telles affections.

C’est toute une conception de la place de l’individu dans la société qui est sous-jacente dans le modèle biopsychosocial de la maladie : privilégier un colmatage biologique en ignorant les répercussions psychologiques ou sociales, ou privilégier au contraire la dimension sociale au détriment de l’épanouissement personnel. La mise en relation de tous les facteurs et de toutes les aspirations liées à la pathologie présente se propose au contraire de rétablir un équilibre entre toutes ces composantes, et de promouvoir des soins prenant en compte tous ces facteurs. Il importe que tous ces facteurs soient abordés simultanément, impliquant un travail souvent multidisciplinaire. Cette approche demandera une participation active du patient, qui ne doit pas rester dans une plainte passive, et l’acceptation par le médecin de renoncer à la toute puissance et aux certitudes : intégrer la complexité, prendre du temps pour rencontrer le patient dans toute sa singularité, repenser la relation médecin-malade dans une globalité incluant non seulement les facteurs somatiques et psychiques, mais également les facteurs environnementaux et sociaux, et savoir prendre de la distance par rapport aux pressions des firmes pharmaceutiques. Tous ces facteurs expliquent peut-être en partie le peu d’enthousiasme que rencontre ce modèle parmi les enseignants médicaux et parmi les médecins en général…

 

III – Comment la médecine homéopathique peut-elle s’intégrer dans ce modèle ?

Tout d’abord, il ne s’agit, en aucun cas, d’affirmer que la médecine homéopathique correspond tout à fait à ce modèle : il est bien évident qu’elle ne peut pas résoudre à elle-seule la multiplicité des problèmes soulevés par le modèle biopsychosocial.

La médecine homéopathique est une approche globale de l’être humain. Le développement de la prise en compte simultanée des facteurs somatiques et psychiques a été faite depuis de nombreuses années et dans de nombreux articles. L’inclusion des problèmes sociaux dans le choix du traitement homéopathique est plus récente. Il faut citer essentiellement les travaux de Jon Scholten sur certains remèdes homéopathiques comme Arsenicum album dans la peur du licenciement, Kalium bromatum dans les troubles dus au chômage ou à la retraite, les descriptions de remèdes comme Staphysagria ou Germanium dans l’indignation face aux injustices, les indications de Gratiola dans les conséquences d’un harcèlement moral, celles de Veratrum album dans celles d’une mise au placard, plus généralement les attitudes diverses par rapport aux relations sociales que peuvent avoir certains patients relevant de remèdes comme Calcarea carbonica, Causticum, Nux vomica, Lycopodium ou encore Aurum (la liste est loin d’être complète). Notre propos n’est pas ici de détailler les indications précises de ces médicaments, mais de montrer que la médecine homéopathique tient compte de ce modèle de pensée médical contemporain, qu’elle y a toute sa place en faisant en sorte que le patient qui veut s’en sortir soit à la fois soulagé de son affection, sans pour autant être empêché de réagir et de prendre des décisions dans sa vie qui le sortiront de l’ornière où il se trouve. Bien sûr, la thérapeutique homéopathique ne résoudra pas tout, mais elle a toute sa place parmi les autres thérapeutiques ou décisions médico-sociales indiquées dans ces cas.

 

En conclusion

Le grand mérite de Josef Schmidt a été de soulever la question de l’intégration de la médecine homéopathique dans le modèle biopsychosocial, concept contemporain qui n’est discuté actuellement par personne. L’attribution de ce modèle uniquement à Thure von Uexküll est plus que discutable, et il manque à cet article de la revue Homeopathy des arguments précis et concrets sur l’adéquation de ce modèle à la médecine homéopathique. Par ailleurs, sa demande d’une attention plus importante à la recherche théorique et sa critique relative au langage souvent désuet utilisé par nombre de médecins homéopathes semble pertinente. Les différents articles publiés sur le site homéophilo en sont un début de réponse.

« Homéopathie et modèle biopsychosocial » a été écrit dans le but d’établir une liaison entre ces différents articles,  d’apporter des précisions d’ordre pratique, et de lancer un début de dialogue à propos de cette question. Des développements ultérieurs seront certainement les bienvenus.

Mise à jour le Dimanche, 06 Janvier 2013 18:16