LATERALITE GAUCHE DE LYCOPODIUM PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Philippe Colin   
Mardi, 24 Avril 2012 09:14

Philippe COLIN

 

Ce texte avait été présenté par l’auteur lors du congrès d’Homéopathie d’Arcachon au printemps 2001.

Il garde toute son actualité aujourd’hui (printemps 2012) : les matières médicales contemporaines disponibles sont trop souvent, soit déformées, soit trop simplifiées, par rapport aux textes originaux. Le travail qui suit est un exemple de ces déformations, au sujet de trois remèdes homéopathiques parmi les plus importants, Lycopodium, Thuya et Sulfur.

 

 

Ce titre qui peut paraître provocateur est surtout un appel à l’étude de la Matière Médicale et le souhait que celle-ci ne soit pas trop simplifiée, voire caricaturée.

L’étude présentée ici repose essentiellement sur les ouvrages de TF Allen et de C. Hering, qui sont les principales références de la Matière Médicale Homéopathique, toutes les autres s’en étant plus ou moins directement inspirées. Je suis parti de l’Encyclopédie de la Matière Médicale Pure de TF Allen, et ai complété cette étude avec les travaux d’autres auteurs.

L’ouvre de T.F. Allen est bien l’ouvrage de référence de toutes les études concernant les médicaments homéopathiques, ceci pour plusieurs raisons ; ces raisons avaient été déjà expliquées lors du Congrès de Londres d’Aout 1896 par Dyce Brown : TF Allen reprend intégralement et fidèlement les travaux de Samuel Hahnemann, et les complète avec les pathogénésies effectuées par la suite. De plus il cite toutes ses sources, à chaque symptôme, lui seul l’a fait de cette façon, ce qui permet d’effectuer des recoupements précieux ; par exemple, on peut ainsi valoriser des symptômes présents dans plusieurs expérimentations pathogénétiques. Il convient cependant de ne pas se fier seulement aux valorisations de TF Allen, qui sont des vérifications cliniques dont on ne sait pas dans quelles conditions elles ont été obtenues, mais aussi de considérer avec plus d’attention les symptômes obtenus par Hahnemann et ses collaborateurs, qui semblent être les plus fidèles, si l’on en croit les études faites par l’Anglais Peter Fisher et le Brésilien Flavio Dantas au sujet de la fiabilité des pathogénésies.

 

LA  LATERALITE  GAUCHE  DE LYCOPODIUM

Quand on lit la matière médicale de Lycopodium dans Allen, on est frappé par le nombre de symptômes latéralisés à gauche ; Jacques Jouanny l’avait déjà remarqué dans l’article consacré à Lycopodium dans le numéro deux des Annales Homéopathiques de 1981 (pages 42 à 68).

Si l’on prend les signes appareil par appareil, nous pouvons remarquer les faits suivants :

- Les céphalées sont le plus fréquemment latéralisées à gauche, elles peuvent aussi être latéralisées à droite, bilatérales ou allant de droite à gauche.

- Au niveau des yeux et des oreilles, les troubles sont latéralisées à droite comme à       gauche.

- Au niveau du nez, les signes objectifs (œdème, inflammation, écoulements) sont         latéralisés à gauche, tandis que les signes subjectifs sont latéralisés plutôt à droite         (douleurs).

- Les douleurs faciales sont latéralisées autant à droite qu’à gauche.

- Dans la bouche et la gorge, la latéralité gauche est exclusive. (De plus ces symptômes         proviennent pratiquement tous de S. Hahnemann).

- Les douleurs abdominales sont le plus souvent latéralisées à gauche.

- Les douleurs thoraciques sont elles aussi à prédominance gauche ; Hahnemann note           également une douleur thoracique si sévère les 6 premiers jours qu’il ne peut pas se coucher du côté gauche.

- Les douleurs articulaires n’ont pas de latéralité prédominante, sauf au niveau de l’épaule       gauche, au niveau des mains il existe une latéralité droite prédominante, au niveau des          hanches et des cuisses , on retrouve la latéralité gauche.

- Au niveau de la peau, il est étonnant de constater une latéralité gauche exclusive des éruptions pustuleuses.

 

Quand on lit les Guiding Symptoms de Constantin Hering, on retrouve en gros les mêmes signes ; c’est lui qui parle d’amygdalite droite ou allant de droite à gauche (tout en signalant les angines latéralisées à gauche et les maux de gorge allant de gauche à droite). On trouve à la fin de la Matière Médicale de Lycopodium tout un chapitre concernant la latéralité des symptômes, et déjà on peut remarquer que la latéralité droite concerne plus de signes que la latéralité gauche , certainement à cause des indications cliniques contenues dans les Guiding Symptoms , qui n’existent pas dans l’Encyclopédie de TF Allen.

 

 

LE PSYCHISME  DE  SULFUR

 

Quand on lit TF Allen , on est frappé par le tableau décrit : pleurs , découragement , indifférence , dépression , envie de mourir , mélancolie , tristesse , anxiété d’anticipation , anxiété comme s’il allait mourir , timidité , irritabilité et mauvaise humeur , se vexe facilement , et même idées fixes au sujet du passé, empathie... L’enfant est violent, insupportable, et difficile à calmer... On retrouve aussi la tendance aux rêveries philosophiques et religieuses.

Sur plus de 90 symptômes psychiques relevés par TF Allen, la gaité ne se retrouve que 3 fois, dans deux cas , cette gaité alterne avec un esprit diminué ou confus ( Gross , Schlesinger ) , le 3ème cas est celui du Pr Von Zlatarovich qui pris des doses pondérales croissantes de Sulfur sur une durée de trois mois et demi.

Le tableau décrit par Constantin Hering est similaire, mais quelques signes sont rajoutés : répète tout ce qu’on lui dit à cause d’une compréhension difficile, délire religieux chez une jeune fille , se tord les mains en gémissant , pleure si on essaie de le consoler , hypochondriaque le matin , joyeux le soir.

Si l’on examine les répertoires, la rubrique “ cheerfulness” comporte beaucoup trop de remèdes pour être utilisable. Par contre, la rubrique “optimism” est plus intéressante car elle comporte peu de remèdes, on y trouve effectivement Sulfur , le Complete Repertory nous apprenant qu’il s’agit d’un ajout de Gaillavardin. Les seules rubriques où l’on trouve Sulfur valorisé au plus haut degré et comme seul remède est “ indifférent à son apparence ”et “ indifférent au bien-être des autres”.

 

 

LE  VERSANT  PSORIQUE  ET  LES  OBSESSIONS  DE  THUYA

Dans un article paru récemment dans l’Homéopathie Européenne, il était apparu que Thuya n’était , lui aussi , pas si simple que cela , et que, à côté de symptômes sycotiques bien connus , il existait un nombre non négligeable de symptômes psoriques : périodicité , alternances morbides , rhinite spasmodique , eczéma par exemple... cette périodicité est particulièrement soulignée dans les Guiding Symptoms de C. Hering qui y consacre un chapitre entier.

Les symptômes psychiques de Thuya semblent être dominés par les obsessions. Pourtant, TF Allen ne cite ce signe que 2 fois sur les 134 observations du chapitre “mind”. Hering parle d’idées fixes pour, en fait parler d’illusions : il existe une confusion entre deux concepts, celui d’illusions ou imaginations que décrit Hering, et celui d’idées fixes, d’obsessions, c’est à dire d’idées revenant sans cesse , malgré soi. Il n’est pas étonnant par ce fait que Thuya se montre souvent décevant quand on l’utilise trop systématiquement dans la névrose obsessionnelle, comme le dit Jacques Algazi. TF Allen et C. Hering insistent surtout sur deux sortes de symptômes : des symptômes dépressifs d’une part, et des signes d’excitation d’autre part ( humeur particulièrement joyeuse, idées joyeuses , désir intense de travail intellectuel , hyperesthésie).

 

DISCUSSION

 

Denis Demarque disait que le problème de la latéralité était contingent dans la prescription du traitement homéopathique, ce travail le confirme bien. Plus globalement, il faut souligner le fait que la matière médicale homéopathique est compliquée, d’apprentissage difficile, et qu’il est licite de vouloir se simplifier la tâche ; d’où la recherche de phrases ayant pour but de proposer une vision simple et facile à retenir du remède (on parle alors de thème ou d’essence du remède), ou bien la description trop sommaire de remèdes dans certaines matières médicales. Si ces efforts peuvent paraître louables , il nous faut cependant continuer à affirmer que l’homéopathie est en fait beaucoup plus complexe que cela, et que à force de schématisations, on ne fait qu’appauvrir, voire déformer, le contenu de la matière médicale. On aboutit ainsi à diminuer les possibilités de traitement, voire de guérison, par nos remèdes homéopathique. Pierre Joly disait dans un de ses éditoriaux des Annales Homéopathiques :“ Pitié pour nos Mat-Med ” , et je l’avais entendu dire à plusieurs reprises que si nous ne faisions pas attention , les indications de l’Homéopathie se rétréciraient comme une peau de chagrin... Ses paroles sont certainement encore d’actualité et rejoignent bien ce que dit un Homéopathe Indien contemporain, Jaiesh Shah, qui insiste sur l’étude des différentes facettes des remèdes homéopathiques, et tempête contre une trop grande simplification de la description de ces mêmes remèdes. Comme le dit le Californien Jonathan Shore, les polychrestes couvrent de très nombreuses facettes de l’existence humaine et nous avons du mal à tout connaître à leur sujet.

 

EN  CONCLUSION

 

Je ne peux que citer nos Anciens qui conseillaient d’étudier sans cesse la Matière Médicale Homéopathique, de revoir un remède par jour et deux le dimanche... Au bout de près de 35 ans de pratique homéopathique, je découvre ou redécouvre toujours avec profit et plaisir des pages de Matière Médicale, tellement celle-ci semble inépuisable dans sa richesse...

 

 

BIBLIOGRAPHIE

1- S. Hahnemann ; Materia Medica Pura ; Jain Publishers ; réédition de 1997.

2- S. Hahnemann ; The Chronic Diseases ; Jain Publishers ; réédition de 1997.

3- TF Allen ; The Encyclopedia of Pure Materia Medica ; Indian Books and Periodicals Syndicate ; réedition de 1995.

4- C. Hering ; Guiding Symptoms ; Indian Books and Periodical Syndicate ; réedition de 1995.

5- J. Jouanny ; Contibution à la fiabilité des pathogénésies ; Lycopodium Clavatum ; Les Annales Homéopathiques ; 1981 ; 2 ; 41-68.

6- Roger Van Zandvoort ; Complete Repertory ; IRHIS ; Delftskade 23 ; 2266 AJ Leidschendam ( Hollande).

7 - P.Colin ; Quelques questions au sujet de Thuya ; Homéopathie Européene ; 1998 ; 1 ; 16-17.

8 - J. Algazi ; Homéopathie en psychiatrie; Editions Maloine ; 1989.

9- Transactions of the international homoeopathic congress held in London , august 1896 ; Ardlard and son ; London 1896.

Mise à jour le Mardi, 24 Avril 2012 09:15