RESILIENCE ET PLACEBO PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Philippe Colin   
Mardi, 24 Avril 2012 08:51


Suite à l’article de Philippe Marchat sur le placebo, il m’est venu l’idée de rapprocher et de comparer effet placebo et résilience. Les deux concepts sont bien évidemment différents, mais ils font appel tous les deux aux possibilités d’auto-guérison de l’être humain, à des degrés divers cependant.

Pour cela il faut commencer par ce que recherche le patient quand il vient consulter un médecin, et articuler cette demande avec ce que sous-tendent les concepts de volonté de guérison, de plainte, de relation patient soignant, de placebo, de capacité d’auto-guérison, de résilience, d’effet pharmacologique.

I – LA DEMANDE DU PATIENT

Ce serait trop simple si le patient venait lors de la consultation rechercher un médicament actif qui puisse le guérir complètement et définitivement.

Le patient émet tout d’abord une plainte. Celle-ci est l’expression d’un problème qui l’importune plus ou moins. Il peut ne pas supporter cette situation, avoir envie de s’en sortir au plus vite sans trop rechercher ce qui a pu provoquer ce trouble, ou désirer résoudre complètement le problème en voulant comprendre ce qui s’est passé.  Mais parfois il s’en accommode plus ou moins, ou bien il cherche à en retirer des bénéfices secondaires, à l’entretenir. Par ailleurs, cette plainte pourrait dans certains cas exprimer plus ou moins consciemment des pulsions de vie ou de mort : vouloir continuer à vivre, et de quelle façon, ou vouloir se détruire.

Cette demande est parfois tout à fait claire, mais le patient est capable aussi de la camoufler derrière un discours trompeur : certes, celui-ci peut exprimer une volonté de guérir tout à fait authentique, mais derrière ces paroles peut aussi se cacher un mal être plus profond, plus ou moins inconscient, qu’il va être quelquefois difficile à débusquer, et à mettre en lumière pour le patient comme pour son thérapeute

On retrouve ici en homéopathie les notions modernes concernant la psore (je pense profondément que je vais sortir de cette maladie), de sycose (je me résigne à avoir un statut de malade chronique), de luèse (je pense consciemment ou non que cette maladie va me détruire).

II – LA REPONSE THERAPEUTIQUE

Tout d’abord, dans certains cas, la personne atteinte voudra s’en sortir toute seule, sans aide extérieure. C’est sans doute là que l’on peut rejoindre le concept de résilience, qui est défini comme étant « le ressort intime face aux coups de l’existence ». Cette possibilité de rebondir après des blessures fait appel à notre capacité de sublimation, de passer au-delà de ce qui peut nous atteindre de façon négative. La personne capable de résilience ne vit pas cependant isolément, elle se sert des relations positives qu’elle peut avoir, soit directement autour d’elle (parent, ami, conjoint, équipe éducative, soignant), soit indirectement par l’image positive que l’on peut avoir d’un parent, par des convictions philosophiques ou religieuses. Cet ensemble de facteurs aura pour résultat de reconstruire l’estime de soi indispensable pour pouvoir rebondir après ces épreuves.

Dans d’autres cas, le patient ne peut pas ou ne veut pas s’en sortir sans aide extérieure. Cette aide extérieure sera faite avec l’aide d’un soignant (médecin ou psychothérapeute), avec comme intermédiaire soit la parole soit un moyen matériel. Cette parole positive et la personnalité du thérapeute expliquent en partie l’effet thérapeutique d’une consultation médicale, et  servent de support à la relation psychothérapeutique.

C’est là, quand la parole et les effets de la relation thérapeute-patient ne suffisent plus, que l’on retrouve le placebo et la substance pharmacologiquement active. Là aussi intervient tout de même  la qualité de la relation entre le patient et le soignant : la façon de prescrire a une importance non négligeable, parfois primordiale et le plus souvent non quantifiable.

Mais comme le dit si bien Philippe Marchat, « derrière le placebo se trouve un mystérieux pouvoir d‘auto-guérison du vivant ». C’est cette capacité que l’on retrouve dans la résilience, qui elle n’a pas besoin de l’intermédiaire du placebo. Celui-ci serait alors  le symbole inconscient de la volonté de guérir de la part du patient. Mais il faudra toujours garder à l’esprit le fait que cette volonté de guérir, si elle est reliée aux pulsions de vie qui nous habitent plus ou moins consciemment, elle doit également être mise en balance avec les pulsions de mort qui cohabitent elles-aussi, plus inconsciemment la plupart du temps. C’est sans doute une des raisons qui fait que le placebo ne fonctionne pas toujours : cette coexistence de facteurs conscients et inconscients est-elle toujours mesurable ?

On pourrait émettre alors l’hypothèse que l’effet placebo est le reflet d’une résilience inconsciente ou archaïque, non exprimée en tant que telle : ceci contribuerait à expliquer, pour l’effet placebo, sa variabilité, son inconstance, et sa difficulté à être mesurée. Cette hypothèse mériterait sans doute une réflexion plus approfondie, et gagnerait peut-être à être discutée.

Le verum (médication efficace) est la substance active sur le plan pharmacologique, que ce soit par la loi des semblables pour l’homéopathie ou par la loi des contraires pour l’allopathie. Dans ces cas, son emploi serait indiqué lorsque les capacités d’auto-guérison sont dépassées, le patient ne pouvant plus être guéri ou soulagé d’une autre façon. L’homéopathie apporterait l’énergie ou des informations  indispensables pour qu’il y ait effet thérapeutique, l’allopathie agissant pour sa part sur un plan moléculaire et biochimique. Mais cette activité se heurte aussi aux mêmes pulsions de vie et de mort qui permettent ou non une guérison, un simple soulagement, ou qui expliquent les échecs thérapeutiques lorsque les pulsions de mort l’emportent. On retrouve alors là les patients chroniques que rien ne soulage en profondeur, chez qui la plainte l’emporte au détriment de la volonté de s’en sortir, et qui feront inévitablement une complication, une rechute ou une autre maladie quand ils sembleront aller mieux ou apparaître faussement guéris.

 

III – POUR CONCLURE

La complexité des phénomènes de la vie permet d’envisager une multitude de cas différents selon le degré de santé ou de maladie du patient. La signification de la plainte est elle aussi dans certains cas très complexe, mêlant facteurs conscients et inconscients. Les possibilités de guérison ou plus modestement de soulagement sont fonction d’une multitude de facteurs : nature et gravité de l’affection, possibilité de thérapeutique adaptée, compétence de l’équipe soignante, qualité de la relation entre malade et soignant(s), volonté affichée de guérir et facteurs inconscients à l’œuvre en arrière-plan.

Devant cette complexité, la relation thérapeutique se doit de ne sous-estimer aucune des chances qui s’offrent à la personne souffrante, et de ne pas placer l’une des chances sur un piédestal par rapport aux autres. Il reste que le premier pas de cette relation thérapeutique est de savoir au mieux déchiffrer ce qui existe derrière ce que demande le patient.

La résilience pourrait alors être située en amont de cette rencontre thérapeutique : la personne a les capacités de s’en sortir par elle-même, ou bien aura une attitude active et indépendante par rapport aux supports extérieurs dont elle se sert ; ainsi, elle s’exprimera le plus souvent quand le processus d’auto-guérison sera déjà bien enclenché, voire terminé. On peut se demander ainsi dans quelle mesure le résilient est sensible ou non à l’effet placebo.

Dans les autres cas, l’expression des troubles et leur signification sera essentielle pour déterminer de quelle façon  la thérapeutique employée aura pu être efficace (si elle l’est) : relation d’aide à visée psychothérapeutique, placebo, ou traitement pharmacologiquement actif, homéopathique ou allopathique. Il existe quasiment toujours un enchevêtrement de facteurs qui font à la fois la difficulté et la beauté de l’art de soulager ou guérir. Finalement, le problème central est sans doute la réalité de la volonté de guérir de la part du patient.

 

Philippe Colin, mars 2012.

Mise à jour le Mardi, 24 Avril 2012 08:55