LE CHAMP DE L'HOMEOPATHIE : 2 - LA VIE OU LE VIVRE PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Philippe Marchat   
Dimanche, 29 Janvier 2012 18:00

LE CHAMP DE L'HOMEOPATHIE : LA VIE OU LE VIVRE

 

Qu’est-ce que le champ vital ? Quelles sont ses caractéristiques ? Tout simplement, mais quel retournement, quel « coup de force » dans ce tout simplement, placer la médecine, l’observation médicale et l’intervention thérapeutique dans le champ de la vie, c'est à dire en prenant en compte ce que vit réellement le malade et en considérant la maladie au travers de son  impact concret sur la capacité à « vivre » du patient.

1°) La science a jusqu’alors partie liée avec la mort

Ceci  ne va pas de soi car, jusqu’ici, la médecine, la biologie comme d’ailleurs toutes les sciences de la vie, ont partie liée avec la mort, se sont construites sur des données sans lien avec la vie réelle, la vie vécue par le sujet, basée uniquement, en fait, sure les conditions et mécanismes de survie, nécessaires à la vie mais sans lien avec le vivre concret. En effet, que nous disent de la vie concrète d’un être humain, de son vire, de ce qu’il éprouve et ressent les valeurs biologiques d’un sujet, ses courbes d’exploration fonctionnelle respiratoire, ses enregistrements électromyographiques et électocardiographiques,  ses images de scanner ou d’IRLM ? Rien, bien sur et il n’y a pas là à le leur reprocher mais, simplement, à constater que ces données, si elles nous éclairent grandement sur la machinerie humaine, ne nous dévoilent rien de la vie proprement dite du patient. Que celle-ci mérite donc d’être prise en compte, à part entière et pour elle même.


2°) La biologie, science de la vie ou des seules conditions de la survie ?

Vivre, d’une certaine manière, c’est exister, agir, sentir. Or, la biologie est science des vivants, de ce qui les maintient en vie, de ce qui, éventuellement, se passe dans leur organisme, au niveau chimique physique, cellulaire, électrique, etc. pendant qu’ils vivent, mais de ce qu’ils vivent, ressentent, désirent, éprouvent, etc. elle ne sait rien.  
En français, le verbe vivre possède un sens transitif et intransitif : c'est à dire qu’il signifie à la fois qu’on est en vie mais aussi qu’on éprouve et ressent quelque chose. Il y a deux verbes en allemand pour différencier ces deux sens : leben, être en vie et erleben, éprouver, vivre. Il nous faut différencier être en vie et vivre.  
Là, je vais utiliser sans vergogne l’argument d’autorité. Citer quelques grands auteurs, nullement opposés aux sciences et à la médecine actuelle, mais qui font le diagnostic du refoulement et de la négation de la vie, à l’intérieur même des sciences du vivant. On peut citer Bergson, Hans Jonas, Georges Canguilhem, Husserl, Merleau-Ponty, Michel Serres  et beaucoup d’autres.

L’idée clé est de prendre conscience du fait que la pensée moderne, notamment scientifique et médicale, a adopté « le point de vue de la mort, c'est à dire l’inerte pour rendre compte de la vie  ». La vie est donc examiné au travers de l’ADN, de la chimie organique, d’activités électriques, etc. toutes choses qui se passent bien à l’intérieur des vivants, rendant  des comptes très intéressants sur ce qui se passe en eux, pendant qu’ils vivent, mais ne nous disent rien sur ce que le sujet vit vraiment, c'est à dire ce qu’il éprouve et ressent.

En fait, la confusion, la difficulté à bien repérer le phénomène vient, je pense, du fait que l’on utilise des substantifs… des noms de choses pour décrire la vie, un vécu, un éprouvé, un faire, un sentir, un agir…. Bref, la vie que l’on vit, quand on bouge, agit, ressent, aime, souffre, désire, fait ceci ou cela. Il faudrait donc dire « le vivre » plutôt que la vie, le vivre étant la vie se vivant, la vie vécue, etc.

La biologie est donc science de la mécanique vitale mais elle manque l’essence de la vie, du vivre singulier de chacun. Celui-ci n’est pas, pour autant,  plus important ou supérieur à ce qu’étudie la biologie. C’et, simplement, un autre aspect essentiel qu’il n’y a aucune raison de négliger comme on l’a fait jusqu’à présent.


3°) Le champ vital comme champ de tous les champs

La phénoménologie a montré que le champ vital, le champ du vivre, est le champ de tous les champs, celui d’où toute science, toute discipline, toute connaissance est tenue de partir, à partir de quoi elle construit son propre discours et son propre champ.

Or, ce champ, loin d’être sans importance, est le champ même du réel et,  comme le dit Husserl, revenir au champ vital, c’est  « revenir à ce monde avant la connaissance dont la connaissance parle toujours et à l’égard duquel toute détermination scientifique est abstraite, significative et dépendante, comme la géographie à l’égard du paysage où nous avons d’abord appris ce qu’est une forêt, une prairie, une rivière  ».

La sémiologie homéopathique, qui épouse fidèlement la réalité concrète et vécue du patient est donc une sémiologie du champ vital. La différence qu’elle manifeste par rapport à la sémiologie objectivée et impersonnelle « classique » ne doit pas nous faire oublier que celle-ci s’est abstraite de celle-là. Ce que Georges Canguilhem rappelle à sa façon quand il dit « les médecins ont tendance à oublier que ce sont les malades qui appellent les médecins », rappelant que le vécu singulier du patient est premier et originaire, nullement sans intérêt ni valeur. Simplement, ce vécu du patient, la médecine « classique » ne sait qu’en faire puisque toute sa démarche vise à une objectivation maximum.


4°) Une connaissance du vivant « vivant, c'est à dire du vivre, est-elle possible ?

C’est une question légitime. Dans la mesure où, je viens de le rappeler, toute notre science s’est fondée sur l’objectivation, la réponse semble être non. Pourtant, le fait homéopathique s’impose, c’est bel et bien possible. Car, de fait, en homéopathie, nous prenons « objectivement », c'est à dire de façon neutre, en compte le vivre, nous ne faisons que prendre acte et enregistrer l’altération du ce vivre, les modifications de l’agir et du sentir, telle que vécue et ressentie par le patient.

Le vécu dont il s’agit n’est pas le vécu du « au niveau de mon vécu », sous entendu, « au niveau de ce que j’en pense »…. Nous ne prenons pas en compte ce les « explications » du sujet pour argent comptant mais comme une manifestation de ce qu’il éprouve, de ce qu’il ressent, au même titre que nous retenons ses sensations physiques et ses émotion. Ce que pense le sujet de sa maladie retient, certes, notre attention, mais pas dans leur dimension d’analyse (on ne cherche pas à approuver ou désapprouver sa pensée) mais, bien plutôt, en tant qu’expression de ce qu’il ressent. Si le patient dit « je flotte dans l’air » ou «  je me suis senti humilié, furieux », on ne cherchera pas à interpréter cela, à juger cette perception adaptée ou non, on le prendra en tant qu’expression d’un vécu intime singulier.

5°) La sémiologie homéopathique, une sémiologie du vivre

Il est capital de savoir que la sémiologie homéopathique est une sémiologie du vivre. Ceci permet de mieux comprendre le sens et l’enjeu du démarquage entre homéopathie et approche objectivante. L’une étant complémentaire de l’autre.

Il faut, en effet, que les conditions de la survie soient assurées pour que la vie puisse se déployer. Pour autant, il ne suffit pas de pouvoir être en vie, que l’organisme « fonctionne » correctement pour que la vie puisse s’’accomplir, s’épanouir. Le vivre du sujet peut être altéré, diminué, empêché, entravé, compliqué et cela signe la maladie, même si la « mécanique du  corps » est tout à fait correcte. Ne nous méprenons pas d’ailleurs,  sur la protée du découpage en fonctionnel et lésionnel. La dysfonction prolongée finit par entrainer des lésions et les lésions entrainent des dysfonctions. D’une manière générale, la dysfonction n’est jamais un trouble mineur ou négligeable, puisque c’est le premier temps d’une pathologie qui finira par se « lésionnelliser ».

L'homéopathie témoigne qu’il est possible d’avoir une connaissance fiable et utile, subtile et instructive du vivre. Elle témoigne, ainsi, que la connaissance du vivant n’est nullement condamnée à rester dans l’ombre de la mort mais pourrait, aussi, se déployer dans l’horizon de la vie.

Mise en ligne : février 2012

Mise à jour le Mardi, 14 Mars 2017 07:41