ARGENTUM METALLICUM ET ARGENTUM NITRICUM
Argentum nitricum est en principe très bien connu, argentum metallicum l'est souvent moins, et pourtant, lorsque l'on lit la matière médicale d'Hahnemann, c'est argentum metallicum (argentum foliatum, pour reprendre les termes mêmes d'Hahnemann) qui est de loin le plus développé ; c'est en grande partie mon désir de mieux connaître argentum metallicum qui m'a fait entreprendre ce travail. Celui-ci sera fait à partir des matières médicales de Clarke, Hering, Vermeulen, et à partir de l'Encyclopédie de T.F. Allen, qui servira de fil conducteur ; enfin, des ajouts seront effectués à partir des travaux de Scholten et de Sankaran. Allen nous apprend que la matière médicale d'argentum metallicum repose essentiellement sur les écrits de Samuel Hahnemann. Argentum nitricum a été beaucoup plus étudié (66 références pour Allen). Ce qui frappe en premier lieu lorsque l'on lit les différentes matières médicales existantes, c'est le contraste existant entre les écrits de Samuel Hahnemann (16 symptômes seulement pour argentum nitricum, 223 pour argentum metallicum ), et les écrits plus récents, dans lesquels argentum nitricum est beaucoup plus développé, et où parfois argentum metallicum n'est pas mentionné.
SIGNES PSYCHIQUES
Si l'on s'en tient à T. F. Allen, qui reprend mot à mot la matière médicale d'Hahnemann, Argentum metallicum présente deux sortes de symptômes : il est tout le temps dans une sorte d'intoxication, ne sait pas comment le définir ; il peut être découragé ; mais il peut être aussi très joyeux, enclin à parler tout le temps, excessivement de bonne humeur quand cela lui plait, mais pleure longuement pour des riens. Argentum nitricum a une apparence imbécile, se comporte d'une manière puérile et timide, il peut avoir des visions, en particulier de visages déformés ; il est apathique, hypochondriaque, taciturne ; il est anxieux, ce qui le fait marcher rapidement ; il se sent affecté dans son corps et dans son esprit ; il n'entreprend rien de peur de ne pas réussir ; irritable, anxieux, indifférent, incapable de réfléchir, ne trouve pas les mots convenant à ses idées, ce qui le fait bredouiller. Altération de la conscience pouvant aller jusqu'au coma. (Les symptômes en italiques sont valorisés par Allen).
Le tableau de ces deux remèdes, en particulier celui d'argentum nitricum, est plutôt éloigné des descriptions actuelles.
La comparaison avec les guiding symptoms de Constantin Hering est très intéressante:
Concernant argentum metallicum, Hering rajoute quelques symptômes provenant d'autres expérimentations : pense qu'il va avoir un accident vasculaire cérébral, ceci sans anxiété ; ne peut pas occuper son esprit régulièrement, car son imagination reproduit des évènements passés agréables ; envie de jouer aux quilles, ce qui ne lui était jamais arrivé auparavant. Indisposé à parler en public : il se plaint de bouffées congestives à la tête et au visage, d'entendre chanter, de prurit et de rougeur des yeux. Grande sérénité, sensation de paix. Se sent désagréable, est paresseux. Déprimé et très somnolent.
Pour Hering, argentum nitricum est surtout hypochondriaque ou mélancolique ; cet auteur reprend les symptômes d'Allen et y ajoute : le temps passe trop lentement (non valorisé par Hering) ; la vue des maisons le rend toujours étourdi et le fait tituber ; il lui semble que les maisons des deux côtés se rapprochent et vont l'écraser ; se préoccupe souvent sur le moment où il va mourir ; pense qu'il a un ramollissement cérébral ou une autre maladie incurable, ce qui le rend presque désespéré ; devient nerveux en marchant, pense qu'il va avoir une attaque ou qu'il va mourir, ce qui le fait marcher plus vite, mais il est vite obligé de s'arrêter, parce qu'il se fatigue. Possédé de l'idée pénible que tout ce qu'il va entreprendre va et doit échouer. Il pleurait et assurait tout le monde qu'il était perdu pour ce monde, sans espoir. Pense au suicide. En traversant un pont, irrésistible envie de sauter dans la rivière. Réveille souvent sa femme ou son enfant pour avoir quelqu'un à qui parler. Parle constamment de ses souffrances. Impulsif, obligé de marcher très vite ; fréquentes crises d'anxiété. Toujours pressé. Si une heure est fixée, devient mal à l'aise la veille ; il est préoccupé et prêt longtemps avant l'heure. Le malade n'a pas vraiment envie de travailler ; ne travaille pas, pense que cela lui fera du mal ou qu'il n'est pas capable de l'affronter. Idée fixe qu'il est négligé et méprisé par sa famille ; son appel lui devient indifférent. Crises de désespoir et de toutes sortes d'imaginations ; par exemple, pendant qu'il marche dans les rues, il ne doit pas dépasser un certain point, sinon il va tomber. Peur d'une maladie sérieuse. Appréhension quand prêt à aller à l'église ou à l'opéra ; avec diarrhée. La peur ou les pensées provoquent la diarrhée. Peur d'être seul, car il pense qu'il va mourir. Peur, s'il dépasse un certain coin ou un certain bâtiment, que celui-ci va tomber et lui créer une émotion. En marchant, fait des malaises avec anxiété, ce qui le fait marcher plus vite.
Nous pouvons voir que les descriptions actuelles d'argentum nitricum dérivent toutes de la matière médicale de Constantin Hering. Celui-ci ne cite pas les sources des différents symptômes, et dit simplement en préambule que, en plus de Samuel Hahnemann, seuls Grauvogl et un certain Dr Müller ont pratiqué des expérimentations sur cette substance, sans en préciser les modalités exactes ; c'est dire que tout ce qui est ajouté par Hering doit être considéré avec circonspection. Ce fait pourrait expliquer qu'il n'est pas étonnant de voir, dans notre pratique quotidienne, qu'argentum nitricum se révèle inconstant sur le plan de son efficacité, si l'on se base uniquement sur une forte anxiété d'anticipation et sur un caractère toujours pressé pour prescrire ce remède. De toutes façons, si l'on examine ces rubriques dans les répertoires, on peut voir qu'argentum nitricum est loin d'être le seul remède ayant ces caractéristiques. D'ailleurs, si l'on croise les deux rubriques dans le répertoire de Kent (version Edouard Broussalian), il reste 36 remèdes possédant ces deux caractères.
Dernier point intéressant concernant Hering : celui-ci nous apprend que Hahnemann a pratiqué son expérimentation d'argentum nitricum avec une 15ème centésimale.
Clarke rajoute à argentum metallicum l'agitation qui le pousse à marcher rapidement et reprend les "guiding symptoms" de Hering pour ce qui est d'argentum nitricum.
Il faut noter que pour Kent, argentum metallicum n'a pas de troubles psychiques mais uniquement des troubles intellectuels à type de fatigue, de troubles de la mémoire et de difficulté de concentration.
Concernant la matière médicale de Vermeulen (qui est une compilation de plusieurs matières médicales), on a l'impression qu'il a mélangé pour argentum metallicum les symptômes des deux remèdes : ainsi, on retrouve "sensation d'être pressé ; le temps passe lentement, anxiété avec agitation qui le conduit de place en place". Autres symptômes : "Exclue toute sympathie pour des amis ; désir parler à quelqu'un". Pour ce qui est d'argentum nitricum, il reprend pratiquement tous les ajouts d'Hering, en insistant sur le caractère pressé, les hésitations, les phobies et les peurs. Il ajoute simplement le caractère obstiné, l'opposition à tout ce qui est proposé, en émettant les objections les plus singulières ; illusion d'être méprisé, sensation d'être abandonné, d'être isolé, peur de perdre le contrôle de soi.
Pour Sankaran, qui cite Kent, argentum metallicum a une forte composante intellectuelle et affecte très peu la sphère émotionnelle ; c'est une personne très forte pour se défendre et pour convaincre les autres par son intellect, et malgré cela il se sent faible et attaqué, et devra se défendre souvent d'une façon intellectuelle (très bons avocats, prêcheurs par exemple), ou bien il sera indisposé à parler en société et se renfermera sur lui ; ce pourra être le cas d'un enfant forcé par ses parents à démontrer ses capacités intellectuelles, ses talents.
Scholten dresse un tableau différent d'argentum metallicum : ce sont des personnes ayant réussi à atteindre une position élevée, à succès, mais ils ont peur de perdre cette position, dans un premier temps ils se dépensent sans compter, sont toujours à court de temps car il leur reste tant à faire, aiment animer de grands groupes où ils excellent par leur talent d'orateur et leur caractère spontané et joyeux ; mais ils peuvent devenir autoritaires, ne pas supporter les critiques, leur faire ressortir leur côté timide et les faire se renfermer sur eux ; ils sentent que le sol n'est pas solide sous eux. Une variante de ce tableau est le mécène qui aime protéger les arts avec des goûts raffinés, mais ceci d'une manière conservative, ils n'aimeront que la musique classique par exemple.
En ce qui concerne argentum nitricum, Sankaran en fait un remède indiqué chez les gens qui ont peur d'être méprisés et qui ne se sentiront acceptés que s'ils arrivent à réussir leur tâche lors d'une crise ; il a peur de se retrouver pris au piège et cherchera désespérément à en sortir, quitte à tout annuler, à se suicider, ou à changer complètement de voie.
Là aussi, Scholten décrit différemment argentum nitricum : c'est une personne qui a besion de se prouver, en aimant être sur le devant de la scène, être le centre d'attention en public ; ce sont des idéalistes qui aiment les arts, aiment contribuer à les développer par du mécénat, aiment aller au spectacle et ensuite inviter les artistes pour discuter avec eux de leur travail. Mais cette volonté de rester au devant de la scène peut aboutir à trop de tension, par la peur de l'échec, qui peut les paralyser au point de plus oser montrer leurs créations, ou bien au point de ne plus évoluer, de garder une attitude conservatrice : ils ont peur de la confrontation, des espaces trop étroits, ou bien ils seront acculés à des situations explosives où tout changement deviendra inévitable.
Pour conclure ce chapitre, nous dirons que la principale différence entre ces deux remèdes, si l'on s'en tient à Allen et à Hering, provient du caractère biphasique de l'action d'argentum metallicum, qui présente une succession d'excitation joyeuse et de tristesse anxieuse, tandis qu'argentum nitricum est avant tout hypochondriaque et tend à être dépressif, n'ayant pas ce caractère biphasique. Il semble malgré tout que l'on ne peut pas faire l'impasse sur le caractère pressé et phobique d'argentum nitricum, caractère qui n'existe pas chez argentum metallicum. Les conceptions de Sankaran et Scholten peuvent paraître intéressantes, mais sont plutôt éloignées des symptômes pathogénétiques de ces deux remèdes.
SIGNES SOMATIQUES
Tête
Il existe de nombreux types de céphalées chez les deux remèdes, pratiquement sans aucune modalité chez Allen pour ce qui est d'argentum metallicum et avec des valorisations très classiques pour argentum nitricum : aggravation au grand air, par les odeurs agréables ou non, au mouvement, amélioration en serrant fortement quelque chose autour de la tête (par contre, les céphalées pulsatiles sont améliorées en desserrant la cravate) , les céphalées sont accompagnées de frilosité et parfois par une augmentation générale de température. Hering rajoute les céphalées frontales chez les hommes d'affaire, et les céphalées suite de coup de soleil pour argentum metallicum ; concernant argentum nitricum, il relie presque toujours les céphalées à une pathologie générale, le plus souvent d'origine psychique (hypochondrie ou hystérie) ; il le dit lui-même : "les céphalées sont concomitantes de toutes les autres maladies". Deux modalités particulières sont à signaler : céphalées après avoir dansé, avec vertiges, et céphalées chez des hommes délicats ou des hommes de lettres, d'origine gastrique. Hering rajoute également le symptôme suivant : "sensation de constriction du cuir chevelu, comme si quelque chose était serré fortement autour de la tête", symptôme repris par Clarke, lequel n'ajoute rien de plus.
Un symptôme particulier, valorisé par Allen et Hering pour argentum nitricum: "sensation de vermine sur le cuir chevelu, de prurit ou de reptation ; les racines des cheveux sembles tirées vers le haut ; elle est obligée de se gratter tout le temps".
Yeux
Pour Allen, argentum metallicum présente une blépharite sans suppuration, et des douleurs piquantes des paupières et des coins des yeux. Hering rajoute des troubles visuels à type d'amaurose et de disparition de la vue, et des signes de blépharite purulente.
Argentum nitricum comporte pour Allen des signes de conjonctivite congestive ou purulente, avec aggravation dans une pièce chaude, et diminution de la vision, à la lumière d'une chandelle ou en lisant ; il existe des visions de points gris ou de corps en forme de serpents. Hering en fait un remède de blépharite, de conjonctivite, d'iritis, de myopie, d'hypermétropie, de trouble de l'accommodation pouvant aller jusqu'à la paralysie, de conjonctivite des nouveaux-nés, d'ectropion.
Clarke ne rajoute rien d'autre, si ce n'est qu' argentum nitricum est indiqué après échec de pulsatilla et mercurius.
Vermeulen ajoute le symptôme suivant : "semble voir des serpents".
Si l'on s'en tient à T.F.Allen, il existe une suppuration pour argentum nitricum et non pour argentum metalllicum, les troubles visuels n'existant que pour argentum nitricum.
Oreilles
Argentum metallicum présente dans l'encyclopédie d'Allen des signes d'inflammation du pavillon de l'oreille, avec prurit qui peut obliger à s'écorcher, chaleur, douleurs diverses. Deux symptômes concernent l'oreille moyenne : sensation d'oreille bouchée, douleurs piquantes et coupantes depuis l'oreille interne jusqu'au cerveau (ce dernier symptôme provient d'Hahnemann). Hering reprend les signes inflammatoires de l'oreille externe, rajoute des acouphènes, avec sensation de chaleur et ébullition, et ne parle pas des signes d'inflammation de l'oreille moyenne.
Argentum nitricum est décrit par Allen comme ayant des signes d'otite moyenne avec sensation d'oreille bouchée, des acouphènes à type de sifflement et de sonnerie parfois avec surdité ; Hering, Clarke et Vermeulen ne rajoutent rien de plus. Les signes inflammatoires de l'oreille externe sont absents pour argentum nitricum pour tous ces auteurs.
Nez
Argentum metallicum a un coryza fluent avec ou sans éternuements ; le nez peut être obstrué, il peut exister une épistaxis, une irritation des narines, une sensation comme si les os propres du nez étaient comprimés (Allen). Hering insiste sur les épistaxis, et rajoute les affections des cartilages du nez. Clarke rajoute une rhinite purulente, tandis que Vermeulen s'en tient au coryza fluent et aux épistaxis.
Argentum nitricum présente également pour Allen des épistaxis, des éternuements, mais la rhinite devient vite purulente ou obstructive, puis il existe une rhinite croûteuse qui saigne si l'on enlève les croûtes, laissant à nu une muqueuse ulcérée. On peut observer par ailleurs de violentes démangeaisons qui font se gratter à vif, des douleurs osseuses et une sensation de pus devant le nez. Pour Hering, le pus reste blanchâtre (?) ou comme de la paille brûlée. Les autres symptômes sont identiques. Clarke et Vermeulen n'ajoutent rien de plus.
Face
Argentum metallicum peut présenter une sensation de chaleur du visage, sans rougeur objective ; on constate surtout des névralgies au niveau des malaires ou des zygomas. La lèvre supérieure peut être oedématiée (Allen). Pour Hering, le visage est soit rouge, chaud ou brûlant, soit pâle, terreux, couleur paille ; on retrouve les mêmes douleurs.
Argentum nitricum a un visage d'apparence maladive ou vieilli, d'aspect creusé, pâle ou cyanosé ; il peut exister des mouvements convulsifs des muscles de la face, la bouche étant presque bloquée, des douleurs au niveau des joues, des mâchoires supérieures ou inférieures, on peut noter des points rouge pourpre sur le bord des lèvres et sur le menton, enfin les lèvres sont sèches et gluantes, sans soif (Allen). Hering reprend les mêmes symptômes, en y rajoutant des rougeurs circonscrites aux deux joues, et un œdème inflammatoire de la partie gauche du visage avec les lèvres enflées et brûlantes. Les lèvres tremblent en parlant.
Clarke et Vermeulen ne rajoutent rien à ces descriptions.
Bouche
Pour argentum metallicum, les dents supérieures collent aux dents inférieures, comme si leur émail était recouvert d'un ciment adhésif ; il peut exister des douleurs des dents et/ou des gencives, une petite ampoule brûlante au bout de la langue, la salive peut être épaisse et collant ou bien on peut noter soit une sécheresse de la bouche, soit une sialorrhée (Allen). Hering rajoute les signes suivants : bandes rouges au milieu de la langue, ou enduit argenté sur la langue, plus dense que celui d'arsenicum, dont l'enduit est blanc transparent.
Concernant argentum nitricum, les dents deviennent cariées et très sensibles à l'eau froide, les gencives saignent mais ne sont pas douloureuses, la langue est blanche avec la pointe rouge et douloureuse ; cette langue peut être aussi bleu foncé par endroit, ou marron, a des papilles érigées vers le haut, est douloureuse, très sèche avec une soif intense ; on peut noter des croûtes ulcérées sur la face interne des joues, surtout à gauche. Il existe un mauvais goût dans la bouche (goût métallique, d'encre, de craie, de cuivre, de poivre), un goût amer ou sucré, une odeur fétide. Enfin, il peut aussi exister une sialorrhée importante. Hering rajoute les signes suivants : la nourriture s'échappe de la bouche en mangeant, la langue est chargée avec bords propres.
Clarke et Vermeulen ne rajoutent rien au sujet d'argentum metallicum. Au sujet d'argentum nitricum, Clarke rajoute l'enduit grisâtre sur la muqueuse des joues, et Vermeulen les aphtes sur le bord de la langue.
Gorge
Argentum metallicum présente une inflammation de la glande sous maxillaire avec dysphagie, ou des douleurs des parotides et/ou des sous maxillaires ; il existe un mucus visqueux, gris qui peut être facilement rejeté, tôt le matin ; la gorge est à vif, la douleur est observée en toussant, pas en avalant ; sensation d'un corps étranger au niveau du voile du palais, avec besoin constant d'avaler, ressenti surtout en avalant la salive mais pas en mangeant ; douleurs et prurit de l'orifice pharyngé des trompes d'Eustache irradiant aux tympans ; douleurs du cavum en baillant, comme si enflé. (Allen). Hering rajoute l'angine mercurielle et des tensions du côté gauche du cavum en baillant. Clarke rajoute la sensation d'avoir une tumeur dans la gorge, Vermeulen ne rajoute rien.
Argentum nitricum présente un mucus épais difficile à décrocher, obligeant à racler constamment la gorge ; celle-ci est douloureuse, à vif, il existe une sensation d'écharde en avalant, lors des éructations, en respirant ou en bougeant le cou, parfois des sensations de secousses et de pulsations ; le fond de la gorge est rouge sombre, brûlant, sec ; le voile du palais semble enflé en avalant ou en bougeant la langue ; la douleur est aggravée en buvant de l'eau froide ou en avalant à vide ; il existe un point douloureux comme par une ulcération sur le voile du palais, une sensation de strangulation, et un goût métallique très désagréable (Allen). Hering rajoute des excroissances comme des verrues, une sensation de bâton dans la gorge en avalant, une sensation de nourriture logée dans la gorge. Clarke rajoute des ulcérations d'origine syphilitique, mercurielle ou anémique.
Estomac
Argentum metallicum présente surtout une faim très augmentée, parfois une anorexie, des nausées, des vomissements, des brûlures d'estomac qui remontent dans la bouche, des douleurs pinçantes ou une pression (Allen) ; Hering rajoute une anxiété ressentie au creux épigastrique. Clarke et Vermeulen ne rajoutent rien de significatif.
Argentum nitricum présente beaucoup plus de symptômes gastriques : l'appétit est augmenté ou absent, ou bien encore le patient est vite rassasié. Il existe un hoquet violent qui accompagne la plupart des symptômes gastriques ; on observe des nausées, des vomissements (parfois comme du marc de café, colorant le linge en noir), des douleurs en particulier au niveau du cardia, des douleurs gastriques brûlantes, rongeantes ou constrictives, comme par un ulcère ou à type de lourdeur, un œdème douloureux du creux épigastrique, une sensation constante d'estomac plein, une sensation comme si l'estomac allait éclater. Hering ne rajoute rien d'important, Clarke mentionne l'indication des douleurs d'estomac chez les jeunes femmes, à la suite d'émotions, de manque de sommeil, ou pendant les règles. Pour Vermeulen, les douleurs irradient dans le thorax ou dans toutes les directions, elles sont améliorées par la pression et en se pliant en deux, elles augmentent et diminuent souvent progressivement comme dans stannum. Argentum nitricum est réputé être sans rival chez les buveurs. Clarke et Vermeulen signalent les goûts alimentaires dans ce chapitre : désir irrésistible de sucre qu'il ne supporte pas, un désir de fromage, une amélioration par les boissons chaudes, par le vin (uniquement pour les symptômes de la tête), une aggravation par les boissons froides, le café, les glaces. Vermeulen rajoute le désir de fromage et de sel, ou le désir de sel et de sucré.
Abdomen
Argentum metallicum a des douleurs diverses, en particulier au niveau du flanc gauche, irradiant vers la hanche gauche et tout le côté gauche de la cavité pelvienne, un ballonnement parfois bruyant comme des grenouilles, une douleur de l'aine droite irradiant dans la cuisse (Allen). Hering rajoute les signes suivants : doit marcher penché en avant à cause des contractions musculaires de l'abdomen, transpiration sur l'abdomen ou sur le thorax et l'abdomen. Clarke et Vermeulen ne rajoutent rien d'autre.
Anus et selles
Argentum metallicum présente une sensation de ver vivant qui passe à travers l'anus, un désir fréquent avec émission de selles molles en petite quantités, des selles très sèches, comme du sable, émises sans difficulté ; on note parfois des efforts importants pour aller à la selle ; les selles sont molles, pâteuses, presque diarrhéiques, ou dures et insuffisantes. Il existe un prurit anal violent qui s'étend le long du sillon inter fessier, des douleurs hypogastriques pendant et après une selle molle. Hering ajoute les selles lientériques, Clarke et Vermeulen n'ajoutent rien de significatif.
Argentum nitricum a beaucoup plus de symptômes chez Allen : douleurs anales piquantes, prurit anal important, se gratte à vif, évacuation d'ascaris ou de ténias, diarrhée brune ou verdâtre, ou de mucus verdâtre, ou encore comme des épinards ; on peut aussi observer des selles hémorragiques sans douleur particulière, ou une constipation. Hering rajoute des selles involontaires, une alternance de constipation et de diarrhée, des hémorroïdes.
Appareil Urinaire
Argentum metallicum a peu de signes urinaires pour Allen : légère brûlure en urinant, piqûre transitoire dans l'urètre, fréquent désir d'uriner et urines abondantes pendant plusieurs heures. Hering rajoute des indications cliniques : diabète, énurésie.
Argentum nitricum présente beaucoup plus de symptômes dans l'encyclopédie d'Allen: irritation de l'urètre, écoulement muqueux épais et abondant, brûlure pendant et/ou après la miction, douleur de l'urètre comme par une écharde, sensation de quelque chose de fluide coulant d'arrière en avant de l'urètre, envies urgentes d'uriner, difficulté ou impossibilité à déclencher la miction, les urines sont claires ou jaune foncé, avec parfois un sédiment muqueux ou rouge clair ou une absence d'acide urique. Hering ajoute des douleurs rénales irradiant le long des uretères et dans la vessie et en fait un remède de coliques néphrétiques, on note aussi une sensibilité rénale au toucher, le jet urinaire se divise en deux, il existe une albuminurie.
Vermeulen n'ajoute rien concernant argentum metallicum et uniquement une présence de glycosurie pour argentum nitricum (confusion avec l'indication clinique de Hering pour le diabète ?). Clarke rajoute uniquement pour argentum nitricum la présence d'acide urique ou d'hématurie.
Appareil génital masculin
Argentum metallicum présente des douleurs le long des cordons spermatiques, des douleurs des testicules, parfois une diminution du désir sexuel (Allen). Hering ajoute une gonorrhée purulente, des ulcères grisâtres sur le prépuce en même temps que dans la gorge, un œdème du scrotum associé à un œdème des pieds, un prurit du scrotum.
Argentum nitricum présente pour Allen des ulcères purulents du prépuce, un manque de désir sexuel ou des rêves érotiques. Hering ajoute les signes suivants : impuissance (érections qui s'arrêtent au moment de l'intromission), priapisme, coït douloureux, avec douleurs de l'urètre comme si étiré, ou sensibilité de son orifice, douleurs et augmentation de volume du testicule, orchite. Clarke rajoute des douleurs de la prostate, et Vermeulen ne rajoute rien de significatif.
Appareil génital féminin
Argentum metallicum ne présente pas de symptômes de cet ordre pour Allen (et pour cause, il reprend le texte de Samuel Hahnemann, qui a expérimenté cette substance uniquement sur des individus de sexe masculin…). Hering par contre donne les signes suivants : douleurs de l'ovaire gauche, avec prolapsus, avec douleurs inguinales, ou avec douleurs lombaires, irradiant en avant en en bas. Il en fait un remède de prolapsus, de cervicite, de cancer du col et de cancer du corps de l'utérus, avec métrorragies et leucorrhée purulente. Il existe des palpitations pendant la grossesse. Clarke et Vermeulen n'ajoutent rien de significatif.
Argentum nitricum présente pour Allen des métrorragies, des douleurs pendant les rapports avec métrorragies (après injection vaginale pour traiter une leucorrhée), une suppression de leucorrhée, de règles, des fausses couches, des règles moins abondantes que d'habitude avec des douleurs coupantes lombaires et inguinales et une sensation de contraction dans l'aine. Hering ajoute des douleurs ovariennes parfois uniquement à droite irradiant au sacrum et aux cuisses, des bouffées de chaleur pendant la ménopause avec céphalées congestives et épistaxis, des irrégularités menstruelles, avec dysménorrhée et règles de sang coagulé, une leucorrhée purulente corrosive. Il en fait également un remède d'éclampsie et de cancer du sein. Clarke ajoute une sensation d'augmentation importante de volume de l'ovaire douloureux, un prolapsus avec cervicite, des règles peu abondantes avec asthme, des orgasmes nocturnes. Vermeulen ajoute des gastralgies et des spasmes musculaires thoraciques avant les règles.
Appareil respiratoire
Argentum metallicum présente pour Allen les signes suivants : rire provoque la production de mucus, ce qui provoque une toux. En montant un escalier ou en se penchant en avant, du mucus pénètre dans l'arbre respiratoire, et est expulsé par un simple accès de toux. Sensation de morceau collé dans le larynx en mangeant un fruit ; sensation de bruit comme de la glace qui fond au printemps ; irritation laryngée en toussant, pas en avalant. Douleur de l'os cricoïde causé par un courant d'air ; toux après avoir ri, tous sèche et pénible le matin après s'être levé ; toux avec expectoration blanche, épaisse, sans goût ni odeur. Douleurs thoraciques diverses. Hering en fait un remède d'enrouement, en particulier chez les chanteurs, et ceux qui parlent en public. L'expectoration est blanche, parfois grise. Clarke et Vermeulen n'ajoutent rien de plus.
Il faut souligner l'absence chez tous les auteurs d'expectoration purulente dans argentum metallicum, ce qui pourrait en faire un remède d'allergie (ce d'autant plus qu'il existe des signes de rhinite spasmodique).
Argentum nitricum présente des sifflements laryngés en s'allongeant le soir après dîner, survenant régulièrement comme des pulsations, entendu uniquement en étant couché sur l'oreille gauche. Il existe une accumulation de mucus dans le larynx, un enrouement douloureux, une toux sèche avec irritation laryngée ou trachéale, une dyspnée et une sensation de suffoquer, une toux le soir qui rend la fumée de tabac insupportable. Hering ajoute des indications cliniques : enrouement chez les chanteurs ou les orateurs, asthme à l'effort, pleurésie subaigüe. L'expectoration est muqueuse, purulente ou sanglante. Clarke en fait un remède d'asthme nerveux et note une sensation de chaleur entre les épaules et le sternum. Vermeulen rajoute une toux provoquée par des notes aigües, un asthme provoqué par le temps froid ou en été, une opression respiratoire dans une pièce où il y a beaucoup de monde.
Appareil cardiovasculaire
Il existe peu de symptômes cardiovasculaires pour argentum metallicum pour Allen: des secousses spasmodiques fréquentes de tout le muscle cardiaque, non douloureuses, surtout allongé sur le dos, avec la pensée récurrente bien que non angoissante qu'il va avoir une crise d'apoplexie. Il existe aussi un pouls rapide le soir au lit, avec soif. Hering ajoute une sensation comme si le cœur s'arrêtait brusquement, suivi par un tremblement qui se transforme progressivement en un battement irrégulier, disparaissant au bout de quelques minutes, tout ceci pendant la grossesse. Il note en plus de fréquentes palpitations, avec ou sans angoisse. Clarke ne rajoute rien, Vermeulen par contre ajoute une amélioration des palpitations couché du côté gauche et une amélioration en soupirant.
Argentum nitricum présente pour Allen une sensation de pression dans la région cardiaque, ne forçant pas à s'arrêter de marcher mais à respirer plus profondément. Fréquence cardiaque irrégulière avec parfois des pauses, palpitations par excitation ou à l'effort. Hering ajoute une sensation d'anxiété constante dans la région cardiaque, des douleurs effrayantes avec sensation d'étouffer et qu'elle va mourir. Clarke rajoute l'indication clinique d'angine de poitrine, et Vermeulen rajoute l'aggravation des palpitations couché du côté droit et les troubles cardiaques organiques chez les hommes d'affaire, les étudiants et les intellectuels;
Appareil locomoteur
Argentum metallicum a de nombreuses douleurs de tous types, aussi bien au niveau de toute la colonne vertébrale que dans les membres ; il existe également une faiblesse musculaire avec tendance paralytique des membres (Allen). Hering n'ajoute rien de significatif, Clarke ajoute que ce remède affecte tous les cartilages, et Vermeulen en fait un remède spécialement indiqué dans les affections des coudes et des genoux, un remède de crampes d'écrivain. Nous l'utilisons ainsi régulièrement avec succès dans les syndromes patellaires depuis de nombreuses années.
Argentum nitricum présente également de nombreux types de douleurs dans les os et les articulations ; Allen l'indique également dans les mouvements convulsifs (ainsi que la chorée) des membres et dans les quadriplégies ; il mentionne par ailleurs de nombreuses crampes, en particulier dans les mains (qu'il ne mentionne pas pour argentum metallicum, erreur de la part de Vermeulen?). Les membres inférieurs, en particulier les genoux, présentent des secousses nocturnes, et la démarche est trébuchante au grand air, les membres inférieurs et supérieurs tremblent. Hering en fait un remède d'ataxie, de sciatique et note des oedèmes des pieds (transformé en œdème des chevilles par Vermeulen, qui ne rajoute, pas plus que Clarke, rien de significatif).
Peau
Argentum metallicum présente pour Allen des démangeaisons brûlantes çà et là, des sensations de piqûre comme par de l'électricité. Il note une papule sur la tempe gauche et un furoncle sur la dernière côte gauche. Hering ajoute un exanthème très douloureux, le malade ne supporte pas d'être touché et le moindre mouvement de la peau est presque insupportable. Clarke saute ce chapitre et Vermeulen ne rajoute rien.
Argentum nitricum présente pour Allen une peau de couleur particulière, allant du bleu-gris et du violet au bronze et au noir ; il existe des tumeurs cutanées sur le scalp, des papules et des pustules sur le visage (coin gauche de la bouche, lèvre supérieure, menton, joues, nez), sur le dos de la main droite, et des papules sur le dos et sur les membres inférieurs ; on peut noter par ailleurs des démangeaisons un peu partout, parfois accompagnées d'éruptions papuleuses et il existe un prurit violent des membres inférieurs la nuit au lit. Hering ajoute des excroissances verruqueuse, en fait un remède d'impetigo, et de zona. Clarke rajoute l'indication d'érysipèle et Vermeulen celle de scarlatine.
Sommeil et rêves
Allen rapporte pour argentum metallicum une somnolence, des secousses répétées de la jambe gauche au début de la sieste, des nuits très agitées avec de nombreux rêves angoissants, des réveils à 3heures 30 avec impossibilité de se rendormir ; le patient rêve de son travail, d'accidents, de poursuites, ou ne se souvient pas de ses rêves. Hering n' ajoute rien, Clarke saute le chapitre et Vermeulen ne rajoute rien.
Pour argentum nitricum, Allen note une somnolence diurne, avec baillements, aggravée en étant assis, une insomnie avec agitation, et rêves, parfois fantastiques, parfois horribles ; il rêve de personnes qu'il a vues, d'endroits où il est allé, le tout mélangé en ce qui concerne les dates et les circonstances ; il peut rêver également de personnes habillées de manière étrange, rêver d'avoir faim (avec nausées, flatulence importante et spasmes violents de l'estomac au réveil), de serpents qui le remplissent d'horreur, qu'un insecte lui ronge la jambe si profondément qu'on doit lui couper le pied, ou de rêves érotiques. L'endormissement peut être difficile, empêché par des images et toutes sortes d'imaginations, et il peut parler à haute voix la nuit. Hering ajoute des rêves de morts, de fantômes, d'eau putride. Clarke et Vermeulen ne rajoutent rien.
Signes généraux
Argentum metallicum présente pour Allen des fasciculations et une faiblesse musculaires pouvant aller jusqu'à la paralysie, il se réveille le matin engourdi et déprimé, a une sensation de chaleur générale en marchant au grand air, sans transpirer, et sent une sorte d'angoisse, comme si ses vêtements étaient trop serrés, des douleurs de différents types, erratiques ou en plusieurs endroits à la fois. Ce chapitre n'existe pas chez Hering (il existe à la place un chapitre sensations qui reprend nombre de symptômes déjà décrits). Clarke rajoute des crises d'épilepsie et des sueurs nocturnes et Vermeulen ne rajoute rien de significatf.
Argentum nitricum présente de son côté pour Allen un amaigrissement, des oedèmes des membres inférieurs avec ascite, des crises convulsives, une faiblesse générale avec tremblements, une sensation d'augmentation de volume du corps et en particulier du visage et de ma tête, avec une sensation comme si les os du crâne étaient séparés, avec une augmentation de la température (symptôme 739 ; il faut noter à cette occasion que la plupart des matières médicales ont repris la première partie de ce symptôme, la sensation d'augmentation de volume, sans reprendre le reste de l'observation, à commencer par Hering qui omet de mentionner l'état fébrile). Clarke rajoute la chorée et un mélange d'hyperesthésie et d'anesthésie au niveau de la peau.
Conclusion provisoire en guise de résumé
Argentum metallicum gagne certainement à être mieux connu, par son psychisme fait de bonne humeur et de tendance dépressive, par ses symptômes ORL et pulmonaires pouvant le faire indiquer en pathologie allergique, par sa quasi absence de signes infectieux (contrairement à argentum nitricum), par sa polarité rhumatologique bien soulignée par Clarke, avec son action sur les cartilages.
Argentum nitricum est bien trop connu et décrit par ailleurs pour rajouter encore un commentaire de plus. Signalons que dès Hering, certains symptômes ont été transformés, ou imputés à argentum nitricum alors qu'ils font partie de la matière médicale d'argentum metallicum, que beaucoup de symptômes de ce remède sont des symptômes cliniques et non pathogénétiques, et qu'il est intéressant de noter que dès Allen, certains signes sont communs à argentum nitricum et à nitricum acidum, en particulier le caractère hypochondriaque, la rhinite croûteuse avec épistaxis, les douleurs à type d'écharde, les aphtes du bord de la langue mentionnés eux par Vermeulen.
BIBLIOGRAPHIE
1 - Allen TF, the encycopedia of pure materia medica, Indian books and periodicals syndicate, réédition de 1995.
2 - Hering C, the guiding symptoms of our materia medica, Indian books and periodicals syndicate, réédition de 1995.
3 - Clarke JH, a dictionary of practical materia medica; B. Jain Publishers, réédition de 1995.
4 - Vermeulen F, concordant materia medica, merlijn publishers, 1994.
5 - Sankaran R, The soul of remedies, Homoeopathic medical publishers, 1997.
6 - Scholten J, Homoeopathy and the elements, Stitching Alonissos, 1996.
7 - Kent J.T., matière médicale homéopathique, les annales homéopathiques françaises, 1981.
Dr Philippe Colin
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