COMPARAISON NAJA AURUM
Il a semblé intéressant de comparer les matières médicales de Naja tripudians et Aurum metallicum : en effet ces deux remèdes présentent une association de symptômes dépressifs et cardio-vasculaires. Ainsi, une analyse comparative détaillée pourra permettre de mieux comprendre et de mieux différencier chacun de ces deux remèdes.
Nous partirons de la matière médicale de Naja, tirée des ouvrages de TF Allen, Clarke et Vermeulen, et établirons à chaque chapitre des comparaisons avec Aurum.
La souche
Aurum metallicum a été étudié par Hahnemann, à partir d’une trituration d’or dans du lactose, et n’a connu que peu d’expérimentations par la suite ; Naja tripudians a été expérimentée sur trois personnes par le Dr Stokes en 1853 et sur dix personnes par le Dr Russel la même année, ces expérimentations ayant été publiées dans le British Journal of Homoepathy cette même année ; comme la plupart des remèdes animaux, il s’agit d’un mélange de signes toxicologiques et de symptômes pathogénétiques obtenus à partir de diverses dilutions ( dans le cas de Naja, nous n’avons que des basses dilutions dans l’encyclopédie d’Allen, d’ailleurs, pour Nash ceci expliquerait le fait que la matière médicale de Naja soit moins riche que celle de Lachesis).
Le venin de naja a été utilisé comme analgésique dans les douleurs cancéreuses, chez certains patients, cet effet était accompagné à la fois par la sensation d’avoir bu de l’alcool et par un désir d’alcool. La toxicité du venin est d’abord neurologique, se traduisant par une paralysie ascendante, montant petit à petit des membres inférieurs jusqu’à la tête ; la paralysie s’étend aux muscles respiratoires provoquant un arrêt respiratoire qui s’accompagne le plus souvent de convulsions ; la conscience reste intacte jusqu’à la fin (ref 4).
Signes psychiques
Il existe pour Naja une dépression importante avec tendance suicidaire ; on note une tendance à ruminer à propos de fautes imaginaires (Aurum s’imagine être négligent sans arrêt et mériter des reproches), une indifférence, une augmentation du sens du devoir sans pouvoir se décider à agir. Il existe un désir de et une aggravation par les boissons alcooliques comme pour Aurum. Les deux remèdes ont des alternances de dépression et de bonne humeur ou d’excitation.
On ne retrouve pas chez Naja les colères d’Aurum, son hypersensibilité à la contradiction, son sens des responsabilités (Scholten) ; la dépression de Naja semble être plutôt centrée sur soi si l’on s’en tient à Allen et à Clarke, et l’on ne retrouve pas des signes d’Aurum tels que « imagine qu’il a perdu l’affection des siens, recherche l’affection de ses amis, désespère des autres et de soi » (Allen). Cependant Vermeulen signale pour Naja la crainte d’être laissé seul et l’on trouve Naja dans les rubriques des répertoires à « anxiété pour les autres » et « désir de compagnie ». Il existe également des préoccupations religieuses chez Aurum qui n’existent pas chez Naja. Vermeulen signale aussi pour Naja un sentiment de dualité, d’être coupé en deux. Morrisson insiste sur la timidité et la douceur de Naja qui le différencient de Lachesis (et d’Aurum) et le rapprocheraient plutôt de Pulsatilla (ref 4).
Une expérimentation a été pratiquée récemment (1991) par Rajan Sankaran avec une seule dose de Naja 30CH (en simple aveugle) : les principaux thèmes ressortant de cette expérimentation ont été les suivants : sensation de devoir et de responsabilité vis-à-vis des siens ; sentiment d’avoir été blessé ; sentiment d’avoir tort ou d’avoir été trompé ; sentiment d’être partagé entre un sentiment de devoir et une sensation d’avoir été trompé ; sentiment d’avoir été négligé ; sentiment d’avoir de nombreux obstacles sur son chemin ; thèmes de succès et d’échecs.
Il semble y avoir chez Vermeulen et chez Sankaran une confusion entre sens du devoir et sens des responsabilité qui sont attribués chez ces deux auteurs aussi bien à Aurum qu’à Naja, alors que si l’on s’en tient à Scholten, le sentiment de responsabilité est caractéristique d’Aurum, celui de devoir appartenant à Naja.
Tête
Le vertige de Naja est associé à des céphalées droites importantes, le vertige d’Aurum est aggravé en se penchant, en se levant ou par le moindre mouvement, et il existe une tendance à chuter vers la gauche.
Les deux remèdes présentent des céphalées congestives ou névralgiques ; les céphalées de Naja peuvent survenir à l’arrêt des règles, tandis que les douleurs osseuses n’appartiennent qu’à Aurum. Naja peut avoir des douleurs du vertex associées à une froideur des pieds.
Yeux
Naja a les yeux fixes, grands ouverts (ils sont « proéminents » chez Aurum), insensibles à la lumière ; la polarité neurologique de Naja se retrouve par la mydriase, la lourdeur voire le ptosis des paupières ; le patient éprouve le besoin de se frotter souvent les paupières pour mieux voir, celle-ci sont enflées le matin. On ne retrouve pas chez Naja les signes suivants d’Aurum : la diplopie ou l’hémiopie, le fait que les objets semblent être coupés par des lignes horizontales, et qu’ils semblent plus petits et plus éloignés.
Oreilles
Les signes otologiques de Naja sont pauvres : il n’existe aucun signe infectieux comme chez Aurum, simplement des acouphènes comme le bruit d’un moulin le réveillant le matin.
Nez, bouche et gorge
Naja présente une rhinite aqueuse irritante avec tendance obstructive, comme pour Aurum ; par contre, on ne retrouve pas les douleurs osseuses et les signes infectieux d’Aurum chez Naja ; On note également chez Naja une langue froide ; la dysphagie gauche et la présence de mucus très épais au fond de la gorge sont présents chez les deux remèdes ; on retrouve chez les deux remèdes une très mauvaise haleine ; les ulcérations dans la bouche ou dans la gorge n’appartiennent qu’à Aurum (Naja n’a qu’une petite ulcération du frein de la langue). Vermeulen signale Naja comme remède de rhume des foins en Août. Naja a des spasmes et une sensation de constriction au niveau de la gorge, tandis qu’Aurum a des douleurs piquantes.
Visage
Naja a un visage livide, pâle voire verdâtre ; les lèvres sont sèches, fissurées, les mâchoires fermement serrées. Il peut aussi avoir un visage congestionné comme Aurum ; les deux remèdes présentent des névralgies faciales.
Appareil digestif
Naja est anorexique tandis que Aurum présente une faim vorace ou une anorexie ; les deux remèdes ont soif.
Les deux remèdes ont de nombreux signes digestifs peu spécifiques ; signalons l’importante flatulence de Naja que nous ne retrouvons pas chez Aurum ; Naja présente une angoisse ressentie dans l’hypochondre gauche, la tendance aux hernies inguinales appartient uniquement à Aurum.
Appareil urinaire
Le sédiment urinaire de Naja est jaune ou rouge, celui d’Aurum est comme du babeurre. Les deux remèdes ont une sensation de pression dans la vessie, seul Aurum a une tendance à la rétention.
Appareil génital masculin
Naja et Aurum présentent une excitation sexuelle associée parfois avec une impuissance ; seul Aurum a des troubles testiculaires (douleurs, inflammation, hydrocèle).
Appareil génital féminin
Naja a des douleurs de l’ovaire gauche irradiant parfois au cœur, aggravées en toussant, tandis que Aurum n’a pas de symptômes ovariens. La leucorrhée de Naja est blanche, celle d’Aurum blanche ou jaune.
Appareil cardio-respiratoire
Naja présente un enrouement, une toux asthmatiforme constrictive, des hémoptysies, une oppression thoracique comme par un fer brûlant ; on note aussi une oppression thoracique et des paroxysmes de suffocation avec Aurum ; l’aggravation couché du côté gauche n’est retrouvée que chez Naja.
On note un pouls ralenti ou accéléré, irrégulier chez Naja ; Aurum peut aussi avoir un pouls irrégulier ; les deux remèdes ont des douleurs cardiaques, qui peuvent irradier au bras gauche. Les deux remèdes peuvent avoir une insuffisance cardiaque ; seul Aurum peut présenter une hypertension et a une sensation comme si le cœur s’arrêtait de battre pendant deux ou trois secondes, suivi par un rebond tumultueux.
Appareil locomoteur
Naja présente des douleurs vertébrales aggravées au mouvement, des douleurs des membres également aggravées au mouvement ; les douleurs des membres sont localisées aux articulations et dans les muscles, il n’existe pas de douleurs osseuses dans les os longs comme chez Aurum. On note chez les deux remèdes des troubles moteurs dans les membres (on retrouve la toxicité neurologique du venin de Naja). Naja présente seul des oedèmes des membres et des engelures.
Peau
On peut observer pour Naja des oedèmes parfois pourpres ou livides, des éruptions erythémateuses ou bulleuses, une gangrène, des engelures. Ses cicatrices sont prurigineuses. Il n’existe pas de nodosités ni de pustules comme chez Aurum ;
Sommeil
Naja est somnolent le jour, et a un sommeil agité la nuit, rêve de meurtres, de suicides, de feu ou bien a des rêves agréables, ou encore rêve de ce que doit faire le lendemain. De son côté, Aurum rêve de voleurs ou de disputes, pleure tout fort, ou murmure dans son sommeil sous forme de questions (Clarke).
Les différentes matières médicales recommandent de comparer Aurum avec :
Am-c, arg-met, arg-nit, ars, asaf, bell, caps, calc, calc-p, cocc, chin, coff, hep, iod, les kali, lach, lyc, merc, nit-ac, nux-v, pall, plat, puls, sep, sil, sol-n, spig, sulf, syph, tarent, thuj, verat-v, ign, mez, phos, rhod, calc-f…
En conclusion
Les différences entre ces deux remèdes sont en somme résumées dans certains symptômes somatiques : en effet si l’on s’en tient aux matières médicales de référence que constituent l’Encyclopédie de TF Allen et les matières médicales de Clarke et de Vermeulen, les différences sur un plan psychiques sont peu marquées, la principale différence étant que la dépression d’Aurum est plus en rapport avec des relations avec autrui, celle de Naja étant plus centrée sur elle-même ; peut-être peut-on en déduire que la dépression d’Aurum est plutôt réactionnelle, celle de Naja plutôt essentielle, ceci sous toutes réserves étant donné la faiblesse méthodologique des pathogénésies effectuées pour ces deux remèdes ; il faut souligner l’intérêt de la conception de Jan Scholten au niveau du thème de la responsabilité d’Aurum, ajout tiré de la position de ce métal dans la table périodique des éléments, et qui se révèle très fiable dans notre pratique après plus de dix ans d’utilisation régulière de ce remède en tenant compte de ce thème de la responsabilité.
Sur un plan somatique, ce qui frappe le plus est l’existence de signes infectieux pour Aurum, et leur absence pour Naja ; par contre nous trouvons des symptômes allergiques chez Naja, qui sont absents pour Aurum. Les douleurs osseuses nocturnes des os longs n’appartiennent qu’à Aurum, de même que l’hypertension ; enfin, les symptômes cutanés sont différents, à prédominance infectieuse pour Aurum (les éruptions pustuleuses ne se voient que chez Aurum), à prédominance circulatoire pour Naja (en particulier les engelures).
D’une manière plus globale, il convient d’ajouter que l’action pathogénétique d’Aurum est plutôt chronique, celle de Naja plutôt aigue ou subaigue, ce qui rejoint certaines conceptions anglo-saxonnes actuelles au sujet des différences entre remèdes animaux et minéraux.
Ce sont deux remèdes très proches, de part leur polarité psychique dépressive et leur polarité physique, à la fois cardio-vasculaire et neurologique, mais qui possèdent des différences qu’il convient de bien connaître pour mieux les différencier ;
Bibliographie
1 - TF Allen, the Encyclopedia of Pure Materia Medica, Indian Books and Peroidical Syndicate, New Delhi, réédition de 1995.
2 - JH Clarke, a Dictionary of Practical Materia Medica, Jain Publisher, New Delhi, réédition de 1995.
3 - F Vermeulen, Concordant Materia Medica, Merlijin Publishers, Haarlem (Hollande), 1994.
4 - F Vermeulen, Prisma, Emrys bv publisher, Haarlem (Hollande), 2002.
5 - J Scholten, Homoeopathy and the Elements, Stitching Alonnissos, Utrecht, 1996.
Philippe Colin
|