PROPOS SUR LE LIVRE DE PHILIPPE MARCHAT: LA MEDECINE DECHIREE PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Philippe Colin   
Samedi, 06 Novembre 2010 05:51

DISCUSSION AUTOUR DU LIVRE « LA MEDECINE DECHIREE[1] »

 

Philippe Colin :

Peux-tu expliciter un peu le titre de ton livre ? Qui, en entier, est « La médecine déchirée, entre désir de savoir et volonté de guérir ».

Philippe Marchat :

Dans ce titre, il y a l’idée suivante. Montrer que la médecine qui semble toute dévouée à soigner est, aussi, une science, un corpus de connaissance qui cherche à se développer, à augmenter ses connaissances. Or, le problème est que la vulgate fait croire : la médecine  veut savoir davantage pour mieux soigner. La volonté de soigner serait première donc. Or, il n’en est rien. Les sciences médicales sont animées, comme toute science, par une pulsion épistémique, par un désir de savoir très important. Une passion pour pénétrer l’intimité, les secrets de la vie. D’où, la déchirure, intrinsèque, à l’esprit médical entre son désir de savoir et sa volonté de guérir. Déchirure, car souvent, les deux vont à l’encontre l’un de l’autre. Au lieu que leurs relations soient simples : savoir pour agir, savoir pour soigner, on peut être amenés à « choisir ». Cela devient, « savoir ou soigner ? That is the question ». C’est Shakespearien en quelque sorte.

C’est ce qui a amené, c’est ma conviction profonde, au rejet de l'homéopathie. Historiquement d’une part, car, au tournant des XVIII et XIX siècles, le choix s’est présenté entre développer le savoir médical (allopathie qui était à peu près impuissante au plan thérapeutique mais commençait à accumuler des connaissances nouvelles et fiables) et soigner (homéopathie qui commençait à développer un pouvoir thérapeutique conséquent, mais « discréditait » l’entreprise de connaissance allopathique).

Epistémologiquement, donc, aussi car, l’homéopathie (cf. paragraphe  de l’Organon et sa note) c’est soigner plutôt que chercher à savoir plus, voire en sacrifiant le savoir. C’est mettre le doigt sur la déchirure, la tension intime de la médecine. C’est aussi, ébranler le mythe fondateur de la science occidentale : « il faut savoir pour agir ». Tout ceci explique, à mes yeux, le rejet féroce dont a été et reste, largement, l’objet, l'homéopathie de la part de la médecine qui se veut scientifique.

Philippe Colin

C’est un peu le problème de la place de la pratique, des faits et de la théorie. Elie Arié, dans une émission récente sur France Culture (Science Publique du 30 avril 2010) reproche à l’homéopathie de ne pas être rigoureuse comme la médecine allopathique : selon lui, elle ne respecte pas le schéma suivant : partir des faits, élaborer des théories à partir de ces faits, et quand il y a des faits nouveaux, modifier cette théorie. Il reproche à l’homéopathie de partir d’une théorie et de rester imperméable à tout fait nouveau. Que répondrais-tu à ces affirmations ?

Philippe Marchat :

Le schéma décrit est, en gros, celui de la méthode expérimentale de Claude Bernard. Qui est, rappelons-le, une méthode hypothético-déductive. Je cite Claude Bernard ; « la méthode expérimentale n’est rien autre chose qu’un raisonnement à l’aide duquel nous soumettons nos idées à l’expérience des faits…l’idée, c’est la graine ; la méthode, c’est le sol qui lui fournit les conditions de se développer, de prospérer et de donner les meilleurs fruits suivant la nature ».

Donc, le point de départ, c’est l’idée. Elle conduit à une hypothèse élaborée à a partir de faits d’observation. Ensuite, vient l’expérimentation qui a pour but de provoquer des faits expérimentaux corroborant ou invalidant l’hypothèse. Mais il faut bien distinguer les faits d’observation et d’expérimentation. A partir des simples faits d’observation, on ne peut rien déduire. Il faut l’imagination féconde du savant. Il faut imaginer ce qui se passe, puis tester l’hypothèse. Si l’expérimentation confirme l’hypothèse, c’est OK, autrement, on imagine autre chose.

Cet Elie Arié a raison. C’est ainsi que fonctionne la science. La question devient : pourquoi reproche-t-il à l’homéopathie de ne pas suivre ce processus ? Ici, on retrouve la question savoir/agir, désir de savoir/volonté de guérir. Son reproche, implicite, que cache sa critique explicite, est de dire : l’homéopathie ne fait pas progresser la connaissance puisqu’elle ne développe pas de théorie à partir de ses observations.

Ici, j’ai deux choses à dire. Il ne faut pas confondre critique sur la stérilité théorique actuelle de l'homéopathie et critique sur son efficacité thérapeutique. Oui, l'homéopathie est efficace et il n’y a pas à l’accuser de manque de rigueur de ce côté-là. Par contre, oui encore, l'homéopathie n’a pas été capable de nourrir la connaissance théorique sur le vivant.  Et c’est un reproche que je ne cesse de faire depuis longtemps. Quand je critique le recours au concept d’énergie vitale, cela va dans ce sens. Dire que l'homéopathie agit sur l’énergie vitale, c’est ne rien faire avancer, se payer de mots. Or, je pense que l’homéopathie, les faits de nos observations et expérimentations, je pense à nos cures surtout, sont porteurs de connaissance scientifique. C’est, par exemple, ce que j’essaie d’indiquer avec l’idée de tissage psychophysique, avec ce que j’avance, comme hypothèse scientifique précisément, sur les liens entre l’être humain et les souches homéopathiques[2]. C’est, me semble-t-il, ce que tu cherches à faire en rapprochant homéopathie et physique quantique, homéopathie et psychologie analytique, etc.

Le registre où la critique d‘Elie Arié est pertinente concerne  l’incroyable gâchis que nous faisons de toute notre expérience bi-séculaire. Par contre, je le redis, cette médiocrité théorique actuelle n’est nullement un argument contre l’efficacité de l'homéopathie. Mais, pourquoi confond-il les deux plans ? Parce qu’il vit dans le « mythe qu’il faut savoir pour agir ». C’est très important cela. C’est ce mythe qui nous vaut tant d’incompréhension ! Cet homme ne peut pas s’empêcher de confondre pouvoir thérapeutique et connaissance. Il veut à tout prix les lier. Et comme il voit que l'homéopathie est peu contributive au plan du savoir théorique, il a « besoin » de l’accuser de manque de scientificité  alors que son pouvoir thérapeutique obéit à l’empirisme.

Philippe Colin :

De toute façon, Hahnemann est parti de faits (la constatation que la thérapeutique de son époque était inefficace et souvent dangereuse, et que la loi des semblables était efficace, par exemple mettre du chaud sur une brûlure), et non d’une théorie, contrairement à ce qu’affirme Elie Arié.  Là  où il a raison, comme tu le dis, c’est que la majorité des médecins homéopathes n’ont pas su adapter la théorie initiale à la meilleure connaissance du maniement de la thérapeutique homéopathie (à force de pratique), et qu’ils n’ont pas su profiter des formidables avancées des sciences au 20ème siècle, que ce soit la physique ou les sciences humaines comme la philosophie et les différents courants psychanalytiques. C’est d’autant plus dommage que toutes ces disciplines avaient de l’eau à apporter à la médecine homéopathique.

Pour reprendre ton titre je voudrais revenir sur le problème de la volonté de guérir : quelles différences fais-tu entre guérir et soulager, de la part du thérapeute comme de la part du patient ? Ne crois-tu pas qu’il existe souvent une confusion sur ce problème ? Penses-tu que l’homéopathie est plus à même de guérir que l’allopathie et pourquoi ?

Philippe Marchat :

La question que tu poses porte sur guérir et soulager. Guérir est, bien sur, un idéal et fait, sans doute, un peu (voire beaucoup) référence, écho, avec la volonté, le désir de puissance du médecin.  Guérir, de ce point de vue, ce serait détenir le pouvoir de tout régler, tout effacer, remettre en ordre. C’est, surement, plus souvent un fantasme de la médecine et des médecins qu’une demande explicite des patients.

Les patients disent souvent, « si, déjà, vous pouviez me soulager, ce serait bien ». Se pose, alors, la question de ce que l’on met derrière le mot de guérir. Je crois que l’on peut aider l’organisme, l’être humain à « guérir », ou tendre vers la guérison, chez les petits, les enfants, les adultes jeunes. De toute façon, ensuite, il y a le problème de l’entropie. On va se dégradant. Et, la mort aura le dernier mot. Dans ce contexte, vouloir, prétendre guérir les gens a-t-il grand sens ?

Enfin, pour prétendre guérir, et idem du point de vue du patient, encore faudrait-il voir, savoir, quel est  l’idéal (pour le médecin et pour le patient) que l’on vise ? Guérir, pour moi, serait parvenir à aider le patient à atteindre cet idéal. Pour peu qu’il ne soit pas pathologique lui-même (je parle de l’idéal en question).

Pour ma part, j’emploie plutôt les termes de : « aider à aller au mieux, à être le plus vous même, ne plus, ou moins souffrir, pouvoir vivre au maximum sans que le corps ou la psyché ne soit une entrave trop importante ». Je ne crois pas que l’on puisse viser une espèce de bonne santé « absolue » mais optimiser un être-au-monde, un être-avec-les-autres et être-dans-son-corps aussi satisfaisant et « fluide » possible.

Philippe Colin :

Par rapport au concept de corps vécu, pourquoi à ton avis fait-il problème à l’allopathie ?

Philippe Marchat :

Parce que, je pense, toute la construction et l’identité de la « médecine classique » sont basées sur un long travail d’objectivation, d’éloignement, de méfiance à l’égard  du vécu des patients (vécu jugé peu fiable, trop subjectif) pour le remplacer par des données mesurables, visibles (radios, échos, scanners, IRM, etc.), bref objectives. Notons bien qu’en fait, elles ne sont pas objectives, mais objectivées. C’est différent. La médecine classique, en, fait, mérite le nom de médecine objectivante. Son modèle est la physique, la chimie, les mathématiques. Elle a eu, pour se construire, à se défaire de tout ce qui pouvait l’éloigner de l’objectivable chez le patient. Elle est donc, par définition, dé-subjectivante. Alors, forcément, le corps vécu, pour elle, elle ne peut l’entendre que comme une régression, comme ce qu’il faut, précisément, rejeter.

Philippe Colin :

De même, pourquoi penses-tu que le principe de similitude et le problème des hautes dilutions posent tant de problèmes à l’allopathie ?

Philippe Marchat :

Pour la similitude, il y a deux aspects en cause. D’un côté, cet aspect vécu, à rejeter selon elle, puisque la similitude que nous prenons en compte est, certes objective en partie (verrue, lyse cellulaire, artériopathie, HTA) mais, dirai-je, cet aspect objectif est secondaire pour l’homéopathie. Le plus important, quand nous individualisons, est la prise en compte des modalités du patient, de ses sensations, des causalités, etc. Nous nous immergeons, alors, en pleine subjectivité. Nous prenons un fait brut, objectif (toux, migraine, fièvre,etc.) et nous lui rajoutons toutes ses couleurs, ses particularités individuelles. Donc, la similitude a totalement partie liée avec la dimension vécue de la maladie, d’où son caractère irrecevable pour l’allopathie.

Le deuxième point est que, se baser sur la similitude, c’est dire « une fois qu’on a reconnu le tableau similaire du patient », on peut prescrire, ipso facto, telle substance comme médicament. Et là, on est dans une démarche empirique. On dit que l’ion a observé qu’une substance diluée/dynamisée pouvait soigner des troubles similaires à ce qu’elle peut provoquer pathogénétiquement, mais rien n’explique cela, rien n’en rend compte. C’est donc du pure empirisme. Et l’empirisme est, je pense, la bête noire de la médecine actuelle. En tout cas, c’est la bête noire de la science moderne, ce qu’on fort bien montré Isabelle Stengers et Judith Schlanger, deux philosophes des sciences, deux femmes, dans différents bouquins.

Quand aux hautes dilutions, il est évident qu’elles rompent avec le modèle moléculaire de toute action biologique, modèle actuellement dominant. Et comme, la médecine ne vit pas dans le modèle moderne de la complexité, dans lequel deux conceptions différentes peuvent cohabiter, il y a « clash ». Pour admettre, disons, de seulement penser la question des hautes dilutions, il faut avoir une vision du champ scientifique dans laquelle des modèles différents, voire, en apparence contradictoires, peuvent cohabiter. Or, notre médecine en est à une vision dans laquelle le champ doit être uniforme. C’est la question du ou : inclusif ou exclusif. Dans une vision complexe, on est dans une optique inclusive, le réel peut s’expliquer ainsi ou ainsi, c'est à dire ainsi et ainsi. En médecine, de nos jours, c’est le ou exclusif qui vaut. Si on ne pense pas la même chose, c’est moi ou toi qui a raison mais cela ne peut pas être les deux. L’un des deux a forcément tord. Donc ce cas, l’allopathie ne peut pas (il est important je crois, de bien saisir ces nécessités logiques à l’œuvre, cela permet de sortir des questions de bonne ou mauvaise foi) reconnaitre les hautes dilutions. Ce pourquoi, elles sont rejetées a priori, c'est à dire avant tout examen sérieux. Car les examiner sérieusement, j’y insiste, suppose d’avoir à l’esprit, que deux modèles apparemment contradictoires auront, peut être, droit de cité.

Philippe Colin :

Tu écris beaucoup sur la reconnaissance de l’homéopathie : à ton avis, faut-il l’intégrer au sein de la médecine générale ou en faire une spécialité à part entière ?

Philippe Marchat :

Je ne me pose pas vraiment la question en ces termes. Du moins, il n’y a, selon moi,  sens à se la poser en ces termes que si on a éclairci, au préalable, certaines  choses. Définir l’objet de l'homéopathie. Sa logique. Sa bio-logique, dirai-je. Son champ donc, a priori, de légitimité, etc. Bref, en détenir et en présenter à l’allopathie une vision assez complète et bien conceptualisée. Ceci dit, je pense que l'homéopathie et l’allopathie sont deux modalités, deux déclinaisons de la médecine moderne. Un peu, comme le sont la médecine et la chirurgie. Deux façons différentes, mais complémentaires bien sur, d’aborder un problème de santé, de maladie.

 

Philippe Colin :

Tu abordes dans ton livre le problème du relativisme. Pour prendre un exemple concret, pourquoi par exemple choisis-tu de soigner une angine par homéopathie et non par allopathie ? Quelle serait ta position si un jour on voudrait t’obliger à soigner une angine systématiquement par allopathie au nom du principe de précaution ?

Philippe Marchat :

La soigner par homéopathie, et je dis assez souvent ces choses à mes patients, c’est l’occasion de solliciter les capacités d’auto-guérison du patient. Je rappelle que ces pathologies aigues sont, quasi toutes, des faux aigus, des « exacerbations de la maladie chronique », dans le jargon homéopathique, le signe d’un déséquilibre sous jacent, dis-je à mes patients, qu’il faudra de toute façon régler ensuite si on soigne l’épisode aigu avec un antibiotique, par exemple. Donc, pourquoi remettre à plus tard, ce qu’il faudra faire de toute façon.

Si on nous obligeait à traiter systématiquement, je serais amené à dire la même chose. On pourrait dire aux patients : « on nous oblige à soigner votre angine par antibiotiques, OK, comprenez-vous cependant que, faisant ainsi, on laisse le déséquilibre responsable sous jacent, véritable « cause » de votre angine, en suspens. Il va donc vous falloir un traitement homéopathique de rééquilibration ensuite… ou tout de suite, si vous le souhaitez.

 

Philippe Colin :

Tu dis que l’homéopathie est une forme de remise en question du pouvoir médical et du pouvoir économique : que penses-tu des analyses de Michel Foucaud à ce sujet ?

Philippe Marchat :

Le pouvoir médical actuel repose sur l’idée qu’il faut savoir pour agir. L’expression est d’’ailleurs employé par Michel Foucault, lui-même, dans « naissance de la clinique ». Je le cite dans mon bouquin en précisant que, de ce point de vue, il est, lui-même, dupe de cette mythologie. Pour être plus exact, bien sur, qu’il faut savoir pour agir, mais jusqu’où ? Jusqu’à quel point ? Et à partir de quel degré de savoir nécessaire, la conjonction de l’expérience, de  la pratique, de l’empirisme, voire du bon sens, et de nombreux autres éléments, permettent-ils une action plus efficace venant d’un sujet moins « savant » qu’un autre qui a accumulé encore plus de savoir « savant » mais ne possèdent pas les autres « outils » cités ?

Pour faire simple, le fait qu’un bon médecin homéopathe soit plus efficace pour soigner un asthme qu’un professeur de pneumologie pose un immense problème de remise en cause du pouvoir médical. Idem pour une migraine et un professeur de neurologie, des troubles des règles et un professeur de gynécologie, etc.

Chez Foucault, il y a l’aspect de ce qu’il appelle « bio-pouvoir ». Le côté contrôle sur les corps, les conduites, etc. au nom de la médecine. C’est une réalité puissante. J’en parle à mes patients, très concrètement. Par exemple, pour les tabagiques, ou les obèses. Je leurs dis, « si vous demandez de l’aide, voyons ce qui vous motive et si vous souhaitez de l’aide, voyons à quoi je peux vous être utile. Mais, pour commencer, comprenez bien que fumer ou avoir un soit disant excès de poids est décrété problème par la société, par la médecine, mais, après tout, on valorise le sport, même à outrance, les conduites à risque style pratique du parapente, du snowboard. Tout bêtement, ici, dans le sud-ouest, du rugby, or, toutes ces activités sont dangereuses pour la santé. Vous êtes libres. A vous de voir si le tabac, le poids, est un problème pour vous, à vos yeux à vous.

Quand au pouvoir économique, il est sur que l'homéopathie est une injure à celui-ci. Tube à 1, 80 euro pour, parfois, plusieurs semaines ou mois de traitement.

Philippe Colin

Cela fait maintenant plusieurs années que tu as écrit ce livre ; le réécrirais-tu de la même façon ou changerais-tu certaines choses, dans le fond ou la forme ?

Philippe Marchat :

Ce qui me satisfait, concernant ce livre, c’est que l’analyse que j’y conduis me semble garder toute sa pertinence. J’ai même la faiblesse de penser que pas mal de notions, d’idées que j’y développe n’ont pas vraiment été saisies, ni comprises à ce jour. Je pense qu’il y a deux raisons à cela. Ceci est du, d’une part, la complexité de ce qui se joue à l’intérieur de l’esprit médical, cette tension entre désir de savoir et volonté de guérir, la question de l’enjeu de la scientificité, les difficiles rapports dialectiques entre, pour reprendre les termes de Gaston Bachelard, « l’intérêt à la vie », c'est à dire l’utilité, la volonté de soigner et « l’intérêt à l’esprit », qu’on peut rapprocher du désir de savoir. Je pense que peu de gens, peu de lecteurs ont bien vu l’importance cruciale de cela : à savoir que les rapports entre les « bénéfices » en termes de savoir et d’utilité pour chacun sont très complexes et très conflictuels. Ne penser qu’à la connaissance peut être malsain. Mais vouloir seulement amplifier l’utilité pratique, pour les autres, pour la vie, est naïf et peut se révéler très contre-productif.

C’est vraiment une problématique philosophique, épistémologique « pointue ».

C’est d’ailleurs présent en homéopathie, avec, par exemple, les courants actuels (Sankaran, Masi, Brunson, Scholten, etc.) qui ne parlent, officiellement, que de mieux prescrire, qui développent des méthodes ou des modèles censés améliorer la prescription, donc, de ce point de vue semblent uniquement voués à l’utilité à la vie mais qui, me semble-t-il, sont animés, secrètement, d’un désir de percer les mystères de la vie. Ils  sont porteurs d’un souci, non exprimé, disons clandestin, de savoir. Et cela créé une tension dans ce qu’ils font. D’où, d’ailleurs leur côté peu conciliables et parfois très opposés. Franchement, s’il ne s’agissait que de mieux prescrire,  crois-tu qu’il y aurait tant de passion chez chacun ?

Je reviens à ta question. Sur le fond, donc, je trouve que mon bouquin n’a pas pris une ride. Et je n’y changerais pas grand-chose. Par contre, sur la forme, j’ai conscience qu’il est d’un style un peu ardu. En fait, quand je l’ai commencé, j’étais encore dans la lancée de mes études de philo. Quatre ou cinq ans passés à, sinon « rentrer dans le moule », en tout cas, acquérir et adopter cette façon de penser très conceptuelle, très précise, au prix, souvent, d’un peu, voire beaucoup, de lourdeur de style. Parfois, je me dis, que je reprendrai, peut être, un jour, les grands thèmes de ce bouquin présentés de manière beaucoup plus accessible. Le risque est, cependant, de perdre un peu l’acuité de la pensée. L’expression est, par moments, denses et complexes, parce que ce dont on parle est dense et complexe.

 


[1] « La médecine déchirée », Philippe Marchat, éditions Privat. Le livre est épuisé auprès de l’éditeur et des libraires. Il en reste quelques exemplaires disponibles à commander soit aux Editions de Liège (CLH), soit directement auprès de l’auteur. Cette adresse email est protégée contre les robots des spammeurs, vous devez activer Javascript pour la voir.

[2] Voir sur ce site « L’homéopathie et l’actualité des structures pré-humaines de l’être humain ».