1 – Pourquoi un tel livre ?
Je suis parti d’une constatation faite en lisant les revues homéopathiques contemporaines, qu’elles soient francophones ou anglophones : les références à Samuel Hahnemann y sont très souvent parcellaires, les auteurs se cantonnant toujours à commenter un voire deux aphorismes de l’Organon. Mon sentiment est que la pensée d’Hahnemann est souvent déformée par nos adversaires (il suffit de lire pour cela les paragraphes consacrés à la médecine homéopathique dans les derniers ouvrages d’histoire de la médecine) tout d’abord parce qu’elle est mal connue (en supposant de manière peut-être angélique que nos adversaires sont toujours de bonne foi) car elle n’a jamais été étudiée dans sa globalité. Un des éléments de réponse à cela est d’abord d’étudier les concepts dont s’est servi Hahnemann pour mettre au point cette médecine homéopathique en effectuant une étude des principaux textes écrits par lui, et en effectuant une synthèse de cette pensée.
Au cours de cette étude, j’ai constaté que Samuel Hahnemann se référait à quelques auteurs (Hippocrate, Platon, Sydenham, Kant). Par conséquent, pour entreprendre une étude critique de cette pensée, je devais lire les textes de ces auteurs et des auteurs qui leur étaient proches par la pensée ou proches dans le temps. Ceci m’a permis de voir que les concepts sous-tendant notre médecine homéopathique remontaient aux présocratiques, mais que la pensée d’Hahnemann ne correspondait jamais complètement avec celle des auteurs auxquels il se référait.
Dans une dernière partie, j’ai étudié d’abord quelques auteurs (les philosophes de la nature en particulier) que fustigeait Hahnemann, puis les principaux courants philosophiques contemporains (phénoménologie, philosophie analytique, philosophie des sciences et philosophie de la physique quantique), ceci pour montrer que les concepts sur lesquels repose notre médecine homéopathique étaient confortés par la philosophie contemporaine, mais qu’une grosse lacune de notre discipline était le manque de recherche théorique, conceptuelle, sans laquelle il n’existe pas de possibilité de progrès en science. L’étude de la philosophie de la physique quantique, qui s’applique complètement à l’homéopathie, permet en outre de fournir des éléments de réponse à nos détracteurs, en particulier en ce qui concerne les essais en double aveugle contre placebo, ou l’importance du cas unique, sans parler de la plausibilité de l’action de dilutions infinitésimales dynamisées.
J’ai toujours été intéressé par la philosophie, depuis mes études secondaires, et cet intérêt s’est renouvelé récemment de deux façons : premièrement, en tant que médecin homéopathe, je voulais contribuer à ma façon à faire avancer les choses dans notre discipline. A la suite des réunions de l’AMEH, (association des médecins homéopathes pour l’évaluation de l’homéopathie), je me suis vite rendu compte que cette évaluation n’était pas à notre portée immédiate, que des recherches telles que refaire des expérimentations pathogénétiques posaient des problèmes pratiques et institutionnels insolubles à notre niveau, et que le seul moyen était d’écrire. En second lieu, je dois dire que j’avais quelques scrupules à me lancer dans de telles recherches, ayant peur de marcher sur tes plates bandes ; ces scrupules ont été levés lorsque tu m’as affirmé que plus on était de fous, mieux c’était…
2 – Quelles idées retirer de ce livre ?
a ) D’abord analyser les forces et les faiblesses de la pensée de Samuel Hahnemann. Le génie de cet homme est d’avoir trouvé l’utilité de doses diluées et dynamisées en thérapeutique. Il est cependant dommage qu’il ne nous ait pas laissé ses protocoles d’expérimentation, aspect indispensable déjà souligné par Bacon. Son approche phénoménologique du patient comme du remède, et sa prise en compte de la globalité de la personne, sont des atouts incontestables. Son manque de réflexion théorique n’est pas certain, mais il est trop méconnu et sous étudié, étant disséminé dans ses écrits. C’est pour cela qu’un des buts principaux de notre livre aura été d’étudier dans sa globalité la pensée hahnemannienne.
b) Les principaux thèmes de réflexion que l’on peut retirer de ce livre peuvent être regroupés en trois groupes :
- les thèmes plus spécifiquement homéopathiques : place de la thérapie par les semblables par rapport à la thérapie par les contraires, méthodes alternatives et/ou complémentaires ; recherche conceptuelle indispensable à côté de la recherche expérimentale en homéopathie ; réflexion sur le mode d’action physique et ou physique, faisant appel à la physique quantique ou à la théorie de l’information ; modélisation de ce mode d’action : modèle du gyroscope (Lionel Milgrom), modèle des feux de circulation (Philippe Marchat).
- les thèmes plus généralement médicaux : les rapports entre maladie et bonne santé, la question du vitalisme, la prise en compte de l’individu dans sa globalité, somatique, psychique et environnementale. Les limites du langage, de l’introspection, de l’observation. Les places respectives de l’esprit et du corps : primauté du corps ? de l’esprit ? équilibre, ou concomitance entre les deux ? Problème des effets secondaires (primum non nocere). Problème de l’objectivité en médecine et de l’intrication (ou enchevêtrement) patient, thérapeute et médicament).
- les thèmes de réflexion plus particulièrement philosophique : unité et complexité, causalité et analogie ; ne pas chercher à tout expliquer mais rechercher des relations, des interconnexions, des concomitances (Michel Bitbol) ; problème de l’induction ; critique de l’atomisme et possibilité d’action non corpusculaire ; concept de conservation de l’énergie, très peu d’énergie suffisant pour obtenir une action (Whitehead). Relié au problème de l’objectivité en médecine, la critique d’une science purement objective.
|