Similitude et analogie sont souvent confondues au sein du monde homéopathique et citées comme synonymes. Or, si chacune joue un rôle en homéopathie, elles ne sont nullement équivalentes ni interchangeables. Je préciserai donc la place et le rôle de chacune d’entre elles. Bien sur, ce type de discussion et de précision sémantique peut sembler très accessoire, voire insignifiant. Je pense cependant qu’il n’en est rien car la confusion entre les deux termes cachent, et véhiculent, une confusion de la pensée homéopathique.
Beaucoup d’homéopathes me semblent, depuis quelques années (sans doute sous l’influence de l’informatique), dans la fascination de ce que j’appellerai « plug and play » pratique. Il leur semble que seules comptes les données immédiatement exploitables, l’opérationnalité immédiate de telle ou telle méthode de prescription. Mais c’est oublier qu’en informatique de nombreux processus inconnus de l’utilisateur se substituent à lui pour lui rendre cette apparente immédiateté possible. Rien de telle en homéopathie et le mirage de la possibilité d’une bonne pratique dénuée de réflexion préalable indispensable montrera, un jour ou l’autre, ses limites. Viendra alors le temps, de savoir définir notre discipline. Prenons donc un peu d’avance…
Disons d’emblée que la similitude concerne notre règle de prescription et l’analogie les rapports entre souches et patients.
Différence entre analogie et similitude :
Le terme d’analogie implique une relation entre quatre termes, pris deux à deux. Par exemple, les grandes avenues d’une ville sont, souvent, appelées artères car elles remplissent une fonction analogue, du point de vue de la circulation automobile concernant la ville entière, aux artères, du point de vue de la circulation sanguine concernant l’organisme entier. Les quatre termes sont, ici, l’organisme, les artères, la ville et les avenues et le rapport d’analogie se fait par couple de deux termes mis en relation.
Il est donc clair que le terme, parfois utilisé, de loi d’analogie est totalement faux et inapproprié puisque, pour prescrire, le médecin homéopathe compare deux tableaux et seulement deux tableaux. Celui du patient et la pathogénésie du remède homéopathique. De plus, ce que cherche le médecin homéopathe n’est pas un rapport d’analogie entre pathogénésie et tableau du patient mais la plus grande ressemblance, c'est à dire similitude, possible entre les deux.
Différence entre règle et loi :
Une règle se distingue par son caractère prescriptif (elle dit ce qu’il faut faire) d’une loi qui a, elle, un caractère constatif (elle dit ce qui se passe). Il est intéressant de donner son véritable statut à notre règle de prescription car plusieurs implications découlent de ce statut de règle. Nous avons déjà vu que la loi d’analogie ne méritait pas le qualitatif d’analogie. Elle ne mérite pas, non plus, le qualificatif de loi. Savoir cela pourra éviter aussi de s’exposer à se trouver ridiculisé dans des discussions et débats en dehors du monde homéopathique en prétendant à un titre indu.
Ce qui fonde notre art de prescrire n’est nullement une loi, mais une règle. Plus précisément la règle de la similitude maximale entre tableau phénoménal du patient et tableau pathogénétique du médicament.
La règle de similitude :
Notre outil de prescription, notre boussole dans la pratique est donc une règle. Encore convient il de préciser ce que l’on entend par règle.
La règle de similitude doit être comprise comme la règle d’un jeu, ou, mieux, comme une règle grammaticale.
Il ne s’agit nullement d’une règle générale, qui commanderait la pratique homéopathique du dehors, sans nécessité intrinsèque et relèverait, en dernière instance, de l’arbitraire. La règle de similitude est intrinsèque à l'homéopathie, elle est originellement et consubstantiellement liée à celle-ci, de la même manière que la règle d’accord des verbes avec les sujets est « dictée » par la langue et renforce, en retour sa cohérence. La similitude est, ainsi, la règle de la langue homéopathique.
Notons qu’une règle grammaticale (ou d’un jeu) rend compte d’un usage de fait et détermine un usage possible. Ces deux notions sont essentielles à repérer. En effet, la langue pré-existe, de fait, à ses règles. A un moindre degré, un jeu préexiste également, dans ses grandes lignes, à ses règles (désir de jouer avec les mains et de pouvoir en découdre physiquement avec l’adversaire, ballon ovale, donnant naissance au rugby avant que ses règles de détail soient établies). Les deux se constituent simultanément, de façon pratique et non-consciente. Ce n’est qu’une fois une première logique langagière établie par la pratique que la mise en règles vient renforcer et amplifier la langue.
Ceci correspond très exactement à ce qui s’est passé quand Hahnemann a établi ce qu’il pensait être une loi d’analogie. Il a rendu compte de l’usage efficace préexistant à l'homéopathie de certaines substances médicinales, en apercevant qu’une relation de similitude, de ressemblance les liait aux symptômes qu’elles soulageaient. Partant du constat que certaines substances étaient actives, Hahnemann a déterminé une règle offrant un moyen de déterminer leur choix judicieux, leur cadre de prescription. Il a donc puisé dans l’arsenal « classique » de l’époque pour y trouver un fil d’Ariane et fonder un « Organon de l’art rationnel de guérir ».
Ce statut de règle permet de comprendre et d’éclaircir certains points concernant l'homéopathie.
1) La perte du statut de loi n’enlève rien, bien au contraire, au caractère fondamental de la similitude homéopathique.
2) Les exceptions ne sont pas un problème puisque toute règle a, par définition, ses exceptions.
3) Le fait que certains médicaments ont la plupart de leurs signes caractéristiques d’appel d’origine clinique ne pose plus aucun problème de cohérence théorique puisque toute pratique excède toujours les règles qui la rendent possible.
4) Une règle peut sembler arbitraire, pourtant elle ne l’est pas vraiment. Si elle semble ne résulter que de la décision prise un jour de s’y tenir, elle résulte, surtout, dans les faits, de la pratique pré-existante dont elle rend compte.
Certaines conséquences sont, aussi, à tirer :
5) Il n’y a, à ce jour, aucun argument scientifique rendant compte du bien fondé de la prise en compte de la similitude phénoménale entre tableau du patient et tableau pathogénétique du médicament. Ceci ne pose, pour autant, aucun problème, une règle n’étant pas une loi et n’ayant à se justifier que par la pratique qu’elle permet de faciliter. Ce qui est tout à fait le cas pour la règle de similitude et l'homéopathie.
6) On ne peut modifier arbitrairement une règle ou à la marge seulement. En fait, la plupart des modifications proviennent du constat de l’existence d’exceptions de plus en plus nombreuses à la règle antérieure qui, n’étant plus vraiment respectée, cède la place à une règle nouvelle.
7) Ainsi, une modification de la règle n’est possible que quand l’usage se passe déjà, dans les faits, de la règle antérieure ou quand elle gêne une pratique possible plus intéressante. On ne peut, par exemple, prétendre changer la règle d’accord des verbes avec les sujets sans faire perdre toute sa fonction au langage et le ruiner. On peut, à l’inverse et, par exemple, car cela se fait, parfois, dans la pratique, décider que certains noms féminins se feront en ajoutant un e à la version unique masculine antérieure (auteurà auteure, professeurà professeure). Ceci ne change rien à la pratique de la langue et à sa bonne fonctionnalité.
8) Notre règle de similitude est donc un des piliers essentiels de l'homéopathie et demeure, dans ses plus grandes lignes, « intouchable » sous peine de risquer ruiner l’édifice homéopathique (d’où la méfiance à avoir, de principe, vis-à-vis des méthodes nouvelles qui prétendent, souvent implicitement, s’en passer ?).
9) Enfin, en tant que règle, elle ne prétend nullement à l’universalité ni à l’objectivité et laisse le champ libre à toutes les réflexions et recherches à visée explicatives. Peut être, sans doute même, une loi biologique est-elle sous jacente à la pratique homéopathique. Si tel est le cas, elle reste, cependant, entièrement à déterminer.
L’analogie entre problématiques vitales des patients et souches :
Si l’analogie n’a, en fait, eu aucune fonction réelle en homéopathie, les choses sont, depuis peu, en train de changer. Je ne parle pas des réflexions de tels ou tels auteurs qui ont inclus des remarques symboliques, mythiques et autres dont je ne nie pas l’intérêt mnémotechnique éventuel mais dont je le manque d’étayage justificatif m’a toujours laissé sceptique.
De plus, même quand des ajouts se font à une pathogénésie avec pertinence (semble-t-il), le « raccourci analogique » masque, en réalité, tout un tissu de relations qui lui ont donné sa validité.
L’analogie qui revient, au devant de la scène, et cette fois de manière qui s’avérera, sans doute, très féconde, concerne, comme il se doit, un quatuor de termes mis en relation deux à deux : le patient, la souche médicamenteuse, la problématique vitale du patient, celle de la souche. Ainsi, ce que j’appelle problématique vitale du patient (besoin extrême de maintenir la cohésion du groupe, détermination acharnée à mener à bien telle tache, besoin de soutien constant, etc.) vient faire écho avec ce que l’on peut, pour les règnes animal et végétal, appeler, également leur problématique vitale et se trouve dans un rapport d’analogie avec certaines caractéristiques et propriétés essentielles de la souche minérale.
On retrouvera ainsi tel comportement typique d’un animal chez tel patient. L’alternance de besoin de tendresse et câlins avec besoin d’indépendance soudaine de Lac felinum et des patients en relevant. « Instinct grégaire » et activité fébrile et sans direction déterminée par le patient (mais parce qu’il faut faire ainsi) et comportement de la fourmi rouge. Ici, on est à la lisère de la similitude proprement dite et l’analogie. Certains signes et symptômes sont semblables, similaires, d’autres sont analogues.
On pourra également trouve des rapports d’analogie entre la problématique vitale, les enjeux vitaux d’un végétal (conditions climatiques de développements maximal et modalités du patient, comportements sexuels, forme, taille, grandeur, biologie végétale, etc. et des signes et comportements de patients). On entre, là, vraiment, dans l’analogie.
Pour les minéraux, il est clair que l’on est dans un rapport purement analogique, beaucoup plus qu’avec les animaux et les végétaux.
Conclusion :
J’espère que d’aucuns trouveront utile ce court et rapide travail d’éclaircissement conceptuel concernant ces mots clés de notre discipline que sont similitude et analogie (et règle). Il n’y a là rien de révolutionnaire, ni même, sans doute, de capital. Simplement un peu de rigueur et de clarté…cela ne devrait pas pouvoir nuire.
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