LA NECESSAIRE MISE ENTRE PARENTHESES DE LA SCIENCE PDF Imprimer Envoyer
Écrit par Philippe Marchat   
Lundi, 01 Novembre 2010 14:30

 

 

La phénoménologie suppose une mise entre parenthèse de la science et de toutes les explications causales. Il est important d’en comprendre la signification car elle seule permet, à la fois, de comprendre la position homéopathique, de la légitimer et d’en situer deux écueils majeurs par rapport au positionnement relatif à l’approche classique. Nous verrons que nous sommes, toujours, tombés dans ces écueils, que nous en sommes toujours menacés. Il s’agit donc de les reconnaître comme tels.

 

Sa nécessité :

La mise entre parenthèses de la science est un des leitmotivs et des impératifs de la phénoménologie. Elle est une nécessité méthodique pour pouvoir accéder à l’observation de la vie et du monde tels qu’ils se donnent à voir, tels qu’ils apparaissent (c'est à dire se manifestent).

En effet, si l’on veut saisir le phénomène de la maladie telle qu’il se donne à voir et est ressenti, vécu par le patient, il faut suspendre toute dimension explicative et objectivante, qui est toujours de l’ordre de l’interprétation pour s’en tenir aux faits bruts. Pour l'homéopathie, l’impératif est de prendre en compte les modifications de « l’agie et du sentir » du patient et il y a donc nécessité de mettre entre parenthèse les données scientifiques et médicales qui, par définition, nous éloigne de son vécu pour nous diriger vers le registre explicatif.

 

Sa légitimité :

Elle rejoint sa nécessité. Pourquoi est-il légitime, pour l'homéopathie,  de mettre entre parenthèses le registre explicatif scientifique ? Tout simplement parce que la phénoménologie se situe, par définition et par nécessité méthodique, dans une démarche anté-rationnelle de saisie des phénomènes. Qu’elle prend en compte comment l’individu est malade et non pas pourquoi. C’est pourquoi, notons le au passage, les « suites de » homéopathiques sont des « causalités », des circonstances déclenchantes ou révélatrices et n’ont pas valeur d’affirmation causale stricte. Déclencher une sciatique améliorée en flexion et par l’application de chaleur, sciatique apparue suite à une contrariété, peut nous orienter vers l’indication de Colocynthis mais ne signifie pas, pour autant, que la contrariété soit la[1] cause, stricto sensu, de la sciatique.

La revendication de la dimension phénoménologique du regard de l'homéopathie sur la maladie justifierait qu’elle puisse, et doive, avec rigueur, mettre entre parenthèses ce qu’A le patient pour focaliser son attention sur comment il EST malade. C'est à dire « mettre entre parenthèses » les signes paracliniques, les résultats biologiques, la nature du virus ou de la bactérie en cause, la hernie discale décelée, etc. pour valoriser le vécu du patient et la sémiologie proprement homéopathique.

 

Les obligations qu’impose la mise entre parenthèses de la science :

 

Ne pas contester la science :

Mettre en parenthèses quelque chose, n’est pas le contester, ni le réfuter. Ce point est capital, car l'homéopathie est trop souvent tomber dans l’écueil de s’imaginer que puisque sa démarche était vraie et efficace dans telle situation, c’est que la démarche « classique » était fausse.

Or, Maurice Merleau-ponty l’avait déjà signalé, cette mise entre parenthèses n’est que trop facilement vécue, à tord, (et par la science elle-même, très souvent) comme un « désaveu  de la science ». ce qui ne peut que déclencher quelques réactions un peu « paranoïaques » et agressives (en fait défensives) de la part de celle-ci.

Il y a un autre aspect qu’il convient de ne pas négliger. Croire qu’elle réfutait la science a trop souvent dispenser l'homéopathie de penser ses rapports et son articulation à celle-ci. S’il ne s’agit pas de se laisser intimider par une certaine « arrogance » scientifique, s’il convient de ne pas se laisser fasciner par telles ou telles données scientifiques et d’être conscient que la vérité des choses est multiple et complexe et ne saurait se réduire à ce que dit la science, il faut, aussi, être conscient que l'homéopathie perd l’occasion de s’enrichir et de mieux se définir en évitant le nécessaire travail de prise en compte des données scientifiques pour y faire le tri,  s’y articuler, etc.

 

Ne pas attester la science :

Si l'homéopathie ne doit pas s’imaginer réfuter les données scientifiques, le fait qu’elle puisse se passer de celle-ci ne dit rien de la validité des énoncés scientifiques mis entre parenthèses qui peuvent être faux ou véridiques. Autant dire que nous ne sommes nullement dispensés d’examiner les énoncés scientifiques. Et que nous ne sommes nullement dispensés d’un véritable d’analyse critique des données scientifiques.

Un dernier mot. Il me semble que si l'homéopathie est rarement tombée dans l’écueil d’attester la science, elle succombe, parfois, dans le désir d’être attestée par celle-ci. Ce qui ne saurait, non plus, être une saine visée. Nous devons suivre notre propre logique (sans nous imaginer pour autant qu’elle constitue la vérité ultime des choses !) puis réfléchir aux articulations possibles de homéopathie avec la science. Articulation qui, parfois, montrera la pertinence des données scientifiques, parfois, les relativisera, voire en changera la portée et amènera à en reconsidérer la signification. Articulation qui amènera également à se demander quel contenu scientifique l’on pourrait donner aux connaissances que nous apporte l'homéopathie sur la santé, la maladie, la guérison.

 

 

Philippe Marchat

 


[1] D’ailleurs l’approche homéopathique se situe davantage dans la tradition hippocratique de la théorie des causes (avec distinction de différents types de cause).